Cours de 45 minutes, effectifs réduits, environnement immersif… Vice-présidente de l’association des professeurs de langues vivantes, Jeanny Prat décrypte les recettes qui ont déjà fait leurs preuves en Europe. Elle prône surtout une véritable formation à l’apprentissage des langues étrangères pour les enseignants.
Selon le dernier classement EF-EPI, l’indice de compétence en anglais réalisé par l’Institut de langues EF, la Suède, les Pays-Bas, la Finlande ou le Luxembourg détiennent les niveaux les plus élevés d’Europe. Pour Jeanny Prat, vice-présidente de l’Association des professeurs de langues vivantes, nous ferions bien de nous inspirer de certains de nos voisins. Premier point évoqué : changer la répartition horaire. « Lors d’un voyage d’études en Finlande, j’ai pu voir une organisation des cours très différente de celle pratiquée France : l’enseignement dure 45 minutes, suivi de 15 minutes de pause. Cela permet aux élèves d’être plus concentrés et plus calmes », explique-t-elle.
Pour améliorer les apprentissages, le Luxembourg, lui, a opté pour une réduction des effectifs, avec, en moyenne 16 enfants par classe en primaire et 18 au collège. « Il faut au maximum 25 élèves pour pouvoir travailler en petits groupes de trois ou quatre, ce qui est indispensable », poursuit Jeanny Prat. Pour elle, ces aménagements doivent s’accompagner d’un renouvellement de la formation des enseignants, notamment des professeurs des écoles. « Nous voulons que les enfants commencent l’apprentissage d’une langue étrangère le plus tôt possible. Très bien, personne ne niera qu’il existe une grande plasticité de l’oreille à 2 ou 3 ans. Mais les professeurs n’y ont pas été assez formés et ne disposent que de quelques chansons et des jeux lexicaux », regrette Jeanny Prat. « Il faut changer notre façon de voir les choses : la langue étrangère doit être un domaine d’enseignement comme un autre, le professeur des écoles doit être capable d’en faire passer les fondements. Ce n’est pas possible aujourd’hui avec le nombre d’heures consacré à cette discipline dans les ESPE (ex-IUFM). »
D’autres pays ont fait le choix de faire appel à des instituteurs spécialistes pour l’enseignement des langues à l’école primaire. « C’est par exemple le cas de la Belgique. En France, nous ne remettons pas encore en question le côté généraliste du professeur des écoles », poursuit Jeanny Prat. Alors que le récent rapport commandé par le ministère de l’Éducation nationale préconise le recours à des “natifs” du pays de la langue enseignée, Jeanny Prat met en garde contre le manque de formation pédagogique de ces derniers : « Il ne suffit pas de bien parler la langue, il faut aussi savoir la transmettre. » Un cursus nécessaire pour mettre en place des projets pluridisciplinaires. En Finlande par exemple, dès l’école primaire, les élèves pratiquent différentes activités et matières en anglais, du sport aux sciences naturelles. Enfin, pour Jeanny Prat, l’apprentissage des langues étrangères ne doit pas passer uniquement par le milieu scolaire : « Visionner des films ou des dessins animés en version originale, comme c’est le cas dans les pays nordiques, permet une imprégnation informelle du cerveau à une autre langue. C’est très efficace. »
Maylis Jean-Preau
Jeanny Prat est formatrice en didactique des langues-culture à l’ESPE de l’académie de Lyon depuis 2009, et agrégée d’anglais, elle est vice-présidente de l’association des professeurs de langues vivantes.
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