URBANISME – Imaginer un espace urbain plus respectueux de la mixité. Tel est l’objectif de la plateforme de recherche et d’action Genre et ville. Composée de sociologues, de géographes et d’urbanistes, elle conseille les villes pour les aider à refaire de la rue un espace d’égalité entre hommes et femmes.
La rue n’est pas un espace neutre. Que l’on soit du sexe masculin ou féminin, nos trajets, horaires de sortie et lieux de flânerie diffèrent. «De nombreuses études ont montré que les femmes ont complètement intégré des stratégies d’évitement», explique Chris Blache, cofondatrice de Genre et ville. Selon la chercheuse en ethnosociologie, elles réfléchissent au risque potentiel auquel elles s’exposent et adaptent leur comportement. «Lorsqu’un homme sort le soir, il pense à l’endroit où il va, quels amis il retrouve. Une femme, elle, y ajoute tout un accompagnement logistique. Elle réfléchit à la manière dont elle s’habille, quel chemin elle va emprunter…» Cette autocensure se traduit par une appropriation différente de l’espace public, les femmes entretiennent davantage un rapport fonctionnel avec la rue. «Il est rare de les voir flâner sur un banc, être seule dans une attitude de détente», poursuit la chercheuse.
Face à ce constat, Genre et ville organise des “marches sensibles”. Une déambulation durant laquelle un groupe de femmesarpente la rue pour en repérer les aspects positifs et négatifs. «On leur demande de s’imaginer une autre identité et d’analyser les aménagements par ce prisme. Les remarques que nous recueillons nous permettent ensuite d’identifier comment accueillir plus de diversité dans l’espace public.» Le but est, entre autres, de lutter contre le harcèlement. «La rue est un espace de pouvoir pour les hommes. Ils s’y sentent légitimes à exercer leur domination sur les femmes.» Il s’agit donc d’y rétablir une forme d’égalité pour «limiter les conditions qui favorisent le harcèlement.»
Selon Genre et ville, cela passe notamment par l’aménagement urbain, notamment dans le secteur des loisirs. «Une des solutions est de supprimer les espaces dédiés exclusivement à un groupe en particulier », explique Chris Blache. « Par exemple, casser le réflexe d’installer des stades de foot et des terrains de pétanque.» Une étude menée à Toulouse par les géographes Yves Raibaud et Magalie Bacou a montré que les subventions données aux associations sportives bénéficient plus aux garçons.
La ville de Malmö, en Suède a choisi d’inclure délibérément une réflexion sur la mixité dans un de ses programmes d’urbanisme. Des architectes ont ainsi transformé un ancien parking en aire de loisirs. «En amont, ils ont interrogé des jeunes dans la rue pour leur demander ce qu’ils voulaient. La majorité à répondre était des hommes. Ils ont demandé des cages de foot, des panneaux de basket…», détaille-t-elle. Les porteurs du projet ont alors décidé d’intégrer 13 filles dans la réflexion. Résultat : le site se compose finalement d’un atrium comportant un espace central pour danser, mais aussi des blocs de parkour, un espace pour jouer au basket… Et les riveraines se sont constituées en association pour gérer le lieu et proposer des événements culturels.
Autre levier d’action, les transports. «La ville de Nantes a par exemple mis en place un système d’alarme permettant d’arrêter un bus entre deux arrêts. Le simple fait que cela existe permet de créer un cadre plus rassurant», explique la chercheuse en invitant également à mener une réflexion sur le temps d’attente des transports. Si elle concède que lutter contre le harcèlement ne passe pas uniquement par l’aménagement urbain, il reste selon elle «une solution pour limiter les espaces de chasse.»
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