CHANGEMENT – Égalité salariale et entreprises. Pour Nathalie Lapeyre, enseignante chercheuse à l’Université Jean Jaurès au sein du réseau “Genre, société et politique d’égalité”, atteindre l’égalité femmes-hommes dans le monde du travail passe par un arsenal législatif plus contraignant et un travail éducatif pour engager un changement culturel en profondeur.
«Il est difficile de tirer un constat général de la situation actuelle. Les femmes n’ont jamais autant travaillé, n’ont jamais été autant diplômées mais sont en même temps les plus durement touchées par le chômage et le temps partiel» lance Nathalie Lapeyre enseignante chercheuse à l’Université Jean-Jaurès. D’autant que les inégalités salariales s’expliquent par de nombreux facteurs. Parmi eux, la proportion de femmes employées en temps partiel. En 2015, plus de 30 % d’entre elles n’étaient pas à temps complet contre 8 % pour leurs homologues masculins. «Une situation qui est plus souvent subie par les femmes», indique-t-elle.
Pour la sociologue, les inégalités salariales et la proportion de femmes en temps partiel ne s’expliquent pas uniquement par la maternité ou le fait de devoir concilier son rôle de mère et sa vie professionnelle : «Il ne faut pas nier les effets des pratiques de management à l’intérieur des entreprises.» Ainsi, ne pas avoir d’enfants ne préserve pas de toute discrimination. L’économiste Rachel Silvera appelle cela «le soupçon de maternité». Selon ce concept, toute femme est vue comme une potentielle mère qui va s’occuper de ses enfants, ce qui va peser sur la carrière, le recrutement, les demandes de promotion ou d’augmentation. « Et lorsque le temps partiel est choisi, une des pistes à explorer est, à mon sens, les raisons de ce choix. En étudiant le secteur de l’aéronautique, j’ai pu constater que certaines le font par dépit. Quand cela fait quatre fois qu’elles se sont fait doubler par un homme pour obtenir une promotion hiérarchique, elles vont rechercher d’autres formes d’épanouissement qui ne passent plus par le travail.»
Pour la chercheuse, les entreprises ont un rôle à jouer et doivent se saisir des outils existants pour favoriser l’égalité. Par exemple, la loi Génisson de 2001 qui oblige toute entreprise de plus de 50 salariés à négocier avec les partenaires sociaux des accords-cadres de mixité et d’égalité professionnelle. S’ils ne sont pas respectés, les sociétés se voient infliger une pénalité de 1% de la masse salariale. «Cet outil est utilisé dans les grandes entreprises mais assez peu dans les PME qui n’y sont pas contraintes. Par ailleurs, ce sont les inspecteurs du travail qui ont la charge de vérifier l’application. Or, ils sont peu nombreux et sont mobilisés sur d’autres sujets», précise Nathalie Lapeyre.
L’experte entrevoit néanmoins des avancées. Notamment avec la loi Copé-Zimmerman qui impose 40% de présence des femmes dans les conseils d’administration. «Des entreprises ont anticipé l’entrée en vigueur du texte en 2017. Et cela commence à suivre également dans les conseils exécutifs. C’est parce que la loi est assortie de vraies sanctions». En cas de non-respect de ce quota, les nominations, sauf celles des femmes, ainsi que les jetons de présence, c’est-à-dire de la rémunération des participants, peuvent être annulées.
Des mesures législatives indispensables selon Nathalie Raynal, qui doivent aussi s’accompagner d’un versant éducatif. «Dans les pays scandinaves, les avancées en termes d’égalité se sont faites grâce à un volontarisme politique fort et dans la durée. Mais aussi parce qu’un vrai travail de déconstruction des stéréotypes est mené dès l’école maternelle et se poursuit au fil de la scolarité, ce qui fait que l’égalité a une légitimité sociale, culturelle et politique.»
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