Parmi les métiers qui nourrissent beaucoup de fantasmes, celui de chercheur occupe une bonne place. Pierre Cordelier, scientifique toulousain reconnu pour ses travaux sur les tumeurs du pancréas, raconte un quotidien passionnant mais parsemé d’embûches.
Si les chemins qui mènent à la recherche sont variés, il en existe un devenu quasiment obligatoire pour les jeunes scientifiques : l’expatriation. « Le système français est basé sur l’excellence. Pour y pénétrer, il faut avoir fait ses preuves à l’étranger, acquérir de l’expérience dans des pays où les moyens sont plus importants avant de revenir passer les concours de la fonction publique », raconte Pierre Cordelier, directeur de recherche à l’Inserm et responsable d’équipe au Centre de recherches en cancérologie de Toulouse.
Après un exil aux États-Unis, ce dernier a obtenu le précieux sésame au bout du deuxième essai et a pu intégrer, en 2004, le laboratoire de son choix, spécialisé dans les tumeurs du pancréas. Une fois en place, il s’agit d’émettre des hypothèses selon ses lectures et ses connaissances personnelles. « C’est de la curiosité, il faut avoir un œil sur tout ce qui se fait dans d’autres domaines », confie le docteur.
Reste ensuite à confronter ces hypothèses. Une phase très concrète faite de manipulations variées, d’expérimentations avec des souris, de travail classique sur paillasse avec des produits chimiques, ou encore d’imagerie. « Il y a différents temps de recherche : clinique, appliquée ou fondamentale. Ce sont d’incessants aller-retours entre des constatations sur des malades et des modèles expérimentaux », détaille Pierre Cordelier. Un travail de patience, d’humilité aussi. Seules les découvertes majeures parviennent au grand public et le quotidien d’un chercheur est constitué de 90 % d’échec, « même si l’âge permet d’être plus performant ».
Passé directeur de recherche en 2010, Pierre Cordelier est un des rares responsables d’équipe à continuer de manipuler, même si plus de 50 % de son temps est aujourd’hui employé à la formation, à l’administratif et surtout à la recherche de fonds. « On nous fournit le gîte mais c’est à nous de trouver des moyens financiers auprès de structures caritatives ou en répondant à des appels d’offres. On est très peu aidés dans ces démarches et l’on y consacre un temps fou. Mais c’est aussi un travail stimulant de réflexion et de veille scientifique. » De quoi réaliser ses 37,5 heures de travail en seulement trois jours. D’autant qu’une autre tâche incontournable consiste encore à publier le fruit de ses recherches dans des articles, véritables indicateurs de la productivité d’une équipe.
Enfin, la vie d’un chercheur est également faite de frustrations. Alors que ses travaux sur l’utilisation du virus de l’herpès contre le cancer du pancréas avaient fait grand bruit, le projet est aujourd’hui bloqué, faute de valorisation. Pas de quoi entamer l’optimisme du chercheur : « Il faut toujours se remettre au travail et nous avons déjà des pistes tout aussi intéressantes que le virus de l’herpès. Nous sommes là pour chercher, pas pour traiter. Nous ne sommes pas des médecins, notre rôle consiste à générer de la connaissance. »
Directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et responsable d’équipe au Centre de recherches en cancérologie de Toulouse (CRCT). Il est aussi président de la Société française de thérapie cellulaire et génique (SFTCG).
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