DIALOGUE. La juge d’application des peines Laurence Blisson travaille quotidiennement pour ajuster la sanction au comportement des détenus. Et pour celle qui est aussi secrétaire générale du Syndicat de la magistrature, cela ne nécessite pas toujours de passer par la traditionnelle case prison.
« Moins je vous vois, mieux ça sera pour vous !» Voilà l’une des premières phrases que dit la juge d’application des peines à une personne condamnée. Et pour cause, son travail consiste à surveiller et organiser la mise en place des condamnations : ne pas trop la voir veut donc dire que tout se passe bien. La magistrate décide, par exemple, si un détenu a le droit de sortir de prison pour aller voter ou s’il mérite une prolongation de sanction disciplinaire et doit rester plus longtemps au «mitard» ou non. Mais le rôle de la “JAP” va plus loin : elle détermine qui peut bénéficier d’un bracelet électronique, d’un placement en semi-liberté ou d’une libération conditionnelle. Elle peut également convertir les peines en sursis avec travaux d’intérêt général. «Notre quotidien, c’est donc beaucoup d’entretiens avec les personnes condamnées pour savoir ce que l’on peut construire avec eux», décrit Laurence Blisson.
Lors de leurs décisions, les juges d’application des peines doivent prendre en compte la problématique de l’encombrement des prisons. «Déjà pour une question de dignité humaine, mais aussi parce que les risques de récidives sont plus élevés chez les personnes emprisonnées», explique la juge. Pour elle, la solution n’est clairement pas dans la construction de nouveaux lieux d’incarcération et les alternatives à l’emprisonnement doivent être privilégiées. Les exemples de mises en place réussies seraient nombreux : «Je me souviens d’un homme avec une histoire personnelle difficile et qui avait fait beaucoup de rechute dans la petite délinquance. Il a été placé sous surveillance électronique et aujourd’hui, il a réussi à prendre un nouveau départ.» Laurence Blisson ajoute : «C’est un parcours touchant, on a le sentiment que les choses vont aller dans le bon sens. C’est le cœur de notre métier.» Mais si ces solutions existent, elle regrette le manque de moyens pour les mettre en œuvre. Pour les dispositifs de semi-liberté par exemple : «On se retrouve souvent à courir derrière les places», confie-t-elle.
Alors qu’elle était encore étudiante, la jeune femme est partie au Canada pour un échange universitaire. Elle y a été visiteuse : elle se rendait dans une prison ouverte pour accompagner et soutenir les détenus. Un moment marquant pour elle. Dans ces établissements pénitentiaires sans barreaux et parfois même sans mur d’enceinte, les détenus circulent librement et ont l’opportunité de travailler à l’extérieur. Elle approuve ce système car «le temps carcéral est infantilisant, la capacité d’agir et de choisir des détenus est mutilée.» Mais si la juge défend la mise en place de ce type d’établissement, «il s’agit d’un dispositif nécessaire mais sous-employé en France.» Elle tient à ajouter : «Si l’on ouvre des prisons, il faut aussi ouvrir des centres sociaux.» Toujours un objectif en tête : veiller à la bonne réinsertion dans la société des personnes condamnées. «Un juge d’application des peines est humain», dit-elle en souriant. Passé le jargon juridique, elle conclut, pressée par le temps : «Pour faire ce métier, il faut avoir une véritable croyance en la capacité de toute personne à évoluer, à pouvoir sortir de son parcours de délinquant, et ne pas le résumer à ça.»
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