ACCOMPAGNEMENT – Pour lutter contre la surpopulation carcérale, Manon Cligman, coordinatrice interrégionale Sud-Ouest à l’Observatoire international des prisons (OIP), prône avant tout le renforcement du personnel de probation et d’insertion, mais aussi de la pédagogie pour encourager les juges à utiliser les peines alternatives à l’emprisonnement.
« Les dispositifs alternatifs à l’incarcération existent en nombre », souligne Manon Cligman. «On peut même parler d’un millefeuille de mesures, ce qui conduit parfois à des confusions chez les magistrats». La contrainte pénale créée en 2014 et le sursis avec mise à l’épreuve sont par exemple deux dispositifs très similaires. Ils permettent tous deux au condamné de rester à l’extérieur. Mais pour la contrainte pénale, le suivi personnel est plus poussé. «En 2015, à Toulouse, seuls 22 détenus ont été concernés par cette mesure», souligne Marion Cligman pour illustrer le manque de visibilité du dispositif. Pour cette ancienne avocate, la première solution passe donc par la simplification.
Mais selon elle, si les juges font preuve «d’une certaine frilosité» à utiliser l’arsenal des sanctions en milieu ouvert, c’est aussi à cause d’un manque de moyens humains chez les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation. Ils sont en première ligne pour appliquer les mesures alternatives à l’incarcération. Ce sont en effet eux qui vérifient par exemple si le logement permet d’envisager un placement sous surveillance électronique ou si le prévenu a un emploi. Ils assurent ensuite le suivi et le contrôle des détenus une fois la décision du tribunal prise. Or, selon l’OIP, ils gèrent en moyenne une centaine de dossiers chacun quand le Conseil de l’Europe préconise plutôt un ratio de prise en charge de 30 à 60 personnes par agent de probation. « C’est le serpent qui se mord la queue. Les juges savent que ce personnel n’est pas suffisant alors ils privilégient l’incarcération au détriment d’autres peines», poursuit Manon Cligman. «Une des solutions est donc de renforcer le nombre de ces agents ».
Changer de pratiques serait à notre portée, à en croire la coordinatrice qui prend l’Allemagne en exemple. Outre-Rhin, près d’un lit sur cinq dans les établissements pénitentiaires est inoccupé. «En termes de délits, selon les chiffres de 2010, les peines d’emprisonnement n’y représentent que 5,5 % des condamnations contre 21 % en France». La justice allemande privilégie par exemple les jours-amendes, une peine financière se substituant à l’emprisonnement.
Manon Cligman plaide aussi pour une réflexion sur l’ensemble de la chaine pénale, y compris avant de passer devant un tribunal. Car la surpopulation carcérale est principalement le lot des maisons d’arrêt où sont incarcérés des prévenus, c’est-à-dire des personnes en attente de leur jugement, ou des détenus purgeant une peine de courte durée, en général inférieure à deux ans. Par exemple à Toulouse, en septembre 2016, à la maison d’arrêt de Seysses le taux densité est à 147.3 % contre 89.7% pour le centre de détention de Muret. Selon la coordinatrice, « la solution passe par l’utilisation plus importante du contrôle judiciaire où les prévenus sont laissés libres et doivent répondre à des obligations comme le pointage, ou encore leur placement sous surveillance électronique dans le cadre de l’assignation à résidence». Au-delà «du respect de la dignité », il s’agit pour elle d’une question d’efficacité. « Les mesures alternatives à l’emprisonnement sont celles qui montrent les taux les plus faibles en termes de récidive », conclut-elle.
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