Biogaz. La production d’hydrogène est à 95 % issue d’énergie fossile et donc polluante. Trifyl, le syndicat mixte de valorisation des déchets du Tarn, se place dans les 5 % restant. Là, ce sont les contenus des poubelles domestiques qui constituent la matière première. Une filière verte, de la fabrication à l’utilisation.
Non loin de Graulhet, à Labessière-Candeil dans le Tarn, dans un paysage lunaire, apparaît soudainement une curieuse installation. Au milieu de dunes de terre se dressent des hangars, des cheminées et de grands bâtiments autour desquels circulent de nombreux camions. Un balai minutieusement orchestré par le syndicat mixte de traitement des déchets du Tarn, Trifyl. « Ici, passent 180 000 tonnes d’ordures ménagères par an », indique Jacques Thouroude, vice-président du site. C’est le contenu des poubelles noires des particuliers, collecté par les collectivités, puis acheminé à Trifyl.
C’est ainsi que les camions, chargés de détritus de toutes sortes, franchissent les barrières du site pour suivre tous le même chemin et disparaître derrière une bute de terre. Là, les uns après les autres, ils déversent leur cargaison dans un casier, un parterre de 80 000 m³ rempli d’ordures. Elles y sont réparties et tassées par un agent de Trifyl à grands coups de pelleteuse. « Quand le volume critique est atteint, nous les recouvrons d’une membrane étanche constituée de polyéthylène et les enfouissons sous terre », explique Alex de Nardi, ingénieur recherche et développement du syndicat mixte. Plusieurs tuyaux sont alors introduits dans les casiers pour réceptionner le biogaz qui s’en échappera durant une quinzaine d’années en moyenne. Résultat de la dégradation des déchets, il est ensuite dirigé vers une canalisation centrale. « L’ensemble de cette structure, appelé bioréacteur, produit ainsi 2 000 m³ de biogaz par heure », précise-t-il, la voix couverte par les cris des centaines de milans, de goélands et autres corneilles qui rodent au dessus de la décharge à ciel ouvert.
Sous leur vol anarchique, une longue conduite amène le biogaz vers trois moteurs de cogénération où il est transformé en électricité et en chaleur. « La première est revendue à EDF et la seconde permet de chauffer nos propres locaux. Vert de bout en bout », commente Jacques Thouroude. 95 % du biogaz de Trifyl est ainsi dirigé vers la production électrique. Les 5 % restant étant dévolus à la fabrication de biométhane-carburant et d’hydrogène. « Ces énergies renouvelables n’étant que trop peu développées en France et dans notre région, notre production est minime », constate le vice-président de Trifyl. Tout juste 10 kilos d’hydrogène par jour. De quoi alimenter la station de distribution que le syndicat mixte a acquis en 2016, l’une des seules de la région Occitanie.
Mais avant de prendre la forme d’hydrogène pur, le biogaz doit encore subir quelques traitements de choc : « Il passe dans du charbon actif pour en ôter le souffre, puis dans un catalyseur pour enfin obtenir de l’hydrogène, qui sera compressé pour être stocké », précise Alex de Nardi, montrant du doigt six bouteilles ressemblant à s’y méprendre à celles du gaz domestique (butane ou propane). Elles alimentent la station à hydrogène présente sur le site de Trifyl. « Nous l’utilisons pour recharger notre Kangoo, que la société Symbiofcell, basée à Grenoble, a adapté en y greffant un réservoir à hydrogène et une pile à combustible », poursuit-il.
Tout un dispositif expliqué au grand public via un parcours pédagogique. Un pavillon est même dédié à la découverte de la valorisation des déchets ménagers, dont la transformation en hydrogène. Au travers d’activités, les enfants y sont sensibilisés. « Et souvent, ce sont eux qui éduquent ensuite leurs parents », constate Jacques Thouroude. « Nous accueillons ainsi chaque année jusqu’à 5 000 visiteurs à qui nous révélons notamment les avantages de l’utilisation de l’hydrogène renouvelable », continue-t-il, fermement convaincu qu’il s’agit-là de l’énergie du futur. D’ailleurs, Trifyl travaille actuellement sur un projet industriel de production d’hydrogène à l’horizon 2020 : « Nous sommes capables d’en générer jusqu’à 100 kilos par jour et même plus, puisqu’il ne faut que 50 m³ de biogaz pour cela et que nous pouvons en produire jusqu’à 2 000 m³ par heure », indique-t-il. Une marge de progression importante qui repose sur une matière première quasi inépuisable et environnementalement propre. « Une économie circulaire par excellence qui n’attend que le développement de ses usages pour un lancement industriel », termine Jacques Thouroude, montrant du doigt les tonnes de déchets tel de l’or inexploité.
Dossier ” Tous gonflés à l’hydrogène ” :
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