Les municipales, prévues en mars prochain, semblent placées sous le signe des luttes sociales et des démarches citoyennes. Gilets jaunes, marches pour le climat, listes électorales fondées sur la société civile… De plus en plus de Français souhaitent se réapproprier les outils de transformation sociale. Mais vouloir ne suffit pas. Il faut également pouvoir, et donc savoir… Comprendre les choses pour adapter au mieux son action, c’est le crédo de l’éducation populaire. Toujours enthousiasmé par la perspective du changement, le JT s’est rendu dans ces espaces où la transmission des connaissances est un geste collectif.
Difficile de dégager une définition consensuelle de l’éducation populaire tant ses contours sont larges et ses courants différents. Reste un fil conducteur commun : promouvoir, en dehors des structures traditionnelles d’enseignement, une éducation visant la transformation sociale. Plus généralement, les mouvements d’éducation populaire militent, souvent dans le cadre associatif, pour l’épanouissement et l’émancipation de chacun au sein et grâce au collectif.
Une démarche qui s’inscrit en complément de l’enseignement acquis à l’école. Et un même savoir de base auquel tout le monde a droit et qui garantit une certaine égalité. « Mais qui a vocation à façonner les individus afin qu’ils s’insèrent dans la société, à la place qui leur est destinée », estime Adeline de Lépinay, militante et praticienne de l’éducation populaire. Selon elle, l’éducation nationale, bien qu’indispensable, ne suffit pas pour penser par soi-même.
« L’éducation populaire permet aux participants de développer leurs propres réflexions »
Car l’objectif initial des mouvements d’éducation populaire est, avant tout, de donner à tous les savoirs nécessaires à la compréhension du monde, pour mieux l’appréhender et le transformer. « Afin de permettre aux participants de développer leurs propres réflexions. Et ce, tout au long de la vie », précise Hugues Bazin, chercheur en sciences sociales au Laboratoire d’innovation sociale par la recherche-action (Lisra).
Un processus qui se retrouve aujourd’hui dans différentes organisations comme le collectif Nuit Debout, Extinction Rébellion, la Marche pour le climat, des Gilets jaunes ou encore dans les multiples listes citoyennes élaborées pour les prochaines élections municipales. « Même si ces mouvements ne s’en revendiquent pas, ce sont des formes d’éducation populaire dans la mesure où ils réclament une alternative à une situation existante », avance Hugues Bazin pour expliquer le renouveau actuel de l’éducation populaire. Selon le chercheur, « ceux qui y participent ont pris conscience de leur faculté à pouvoir changer une société consumériste en se construisant de manière autonome, en réinvestissant le savoir ».
« Le savoir est une arme de transformation sociale »
Savoirs qu’ils souhaitent remettre au service de l’humain. Car l’un des rôles essentiels de l’éducation populaire reste de questionner le système capitaliste. Une mission dont les mouvements promoteurs de la démarche se sont parfois éloignés : « Dans les années 1980, l’État est parvenu à institutionnaliser l’éducation populaire. Cette dernière, qui s’affichait comme un contre-pouvoir, s’est confondu avec des activités socioculturelles orchestrées par les politiques publiques », constate Hugues Bazin. Au point que soit créé un agrément ministériel de la jeunesse et de l’éducation populaire, dénaturant ainsi l’esprit initial indépendant et émancipateur de la démarche.
« Une fois les associations concernées passées sous tutelle de l’État, notamment à cause de leur dépendance aux subventions, elles n’ont plus rempli leur vocation première », déplore Adeline de Lépinay, auteure de l’ouvrage ”Organisons-nous ! Manuel critique”, paru le 7 novembre dernier aux éditions Hors d’atteinte. Selon elle, une façon pour l’État d’acheter la paix sociale… « Mais, aujourd’hui, c’est de justice sociale dont les Français ont besoin, en témoigne les manifestations de ces derniers jours », constate la militante. C’est par l’éducation populaire qu’elle pourrait être atteinte, car « le savoir est une arme de transformation sociale », conclut-elle.
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