Chassez le naturel, il revient au galop. Malgré la folie industrielle qui ne cesse de piller ses ressources, la nature est de retour au centre de nos préoccupations. Désormais, on compte même sur elle pour répondre aux enjeux de notre société. Si le terme biomimétisme n’est pas vraiment connu du grand public, ce qu’il désigne est partout autour de nous. Les incroyables caractéristiques du vivant inspirent plus que jamais chercheurs et entrepreneurs. À l’approche du salon du biomimétisme, le Biomim’expo, le 23 octobre à Paris, le JT a sorti sa loupe pour observer de plus près ce phénomène qui suscite tant d’espoirs.
Le secteur cosmétique s’intéresse à sa couleur. Celui du photovoltaïque scrute, lui, sa capacité à autoréguler sa température. D’autres encore lorgnent sur ses vertus antibactériennes et hydrophobes. Celle qui attire autant de convoitises est une simple aile de papillon morpho qui, à elle seule, inspire une demi-douzaine de processus de fabrication moins énergivores. Un cas de figure emblématique du biomimétisme, phénomène consistant à imiter les organismes vivants pour trouver des solutions à nos problèmes techniques.
L’activité n’est pas nouvelle. De l’observation des oiseaux par Léonard de Vinci à celle, plus récente, du nautile, la nature a soufflé à l’Homme l’idée de voler ou d’aller visiter les fonds sous-marins. L’invention de la roue serait même inspirée des bousiers, ces petits insectes qui font rouler une sphère d’excréments. Mais si l’on semble aujourd’hui redécouvrir ce qui peut paraître une évidence, c’est qu’il y a eu « une déconnexion avec la nature, que l’on peut dater de l’industrialisation », estime Alain Renaudin qui, depuis 2016, organise le Biomim’expo, le salon référence en la matière. Ainsi, à partir des années 1990, en même temps que s’opère un retour à la terre, le biomimétisme émerge, suscitant beaucoup d’espoirs quant à sa capacité à chasser le gaspillage ou les produits toxiques.
En France, le mouvement prend de l’ampleur. Le Centre européen de l’excellence en biomimétisme (Ceebios) a, par exemple, vu le jour à Senlis, dans l’Oise. Pour Alain Renaudin, expert en communication qui travaille à populariser le biomimétisme, cette accélération s’explique par plusieurs facteurs : « D’abord une meilleure connaissance du vivant : plus on en sait, plus on en tire des idées. Ensuite, un saut technologique qui permet d’observer ce que l’on ne pouvait pas voir auparavant. Enfin, les entreprises ont un intérêt économique à réduire leur impact eu égard aux enjeux liés à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). »
« Le biomimétisme est un outil qui dépend de l’utilisation que l’on en fait »
La course à l’innovation est donc déjà lancée, dans des champs d’application aussi larges que peut l’être l’imagination humaine : agriculture, énergie, information, santé, transports… Les architectes étudient la croissance des arbres pour construire des bâtiments plus durables, les urbanistes observent les fourmis pour résoudre les problèmes de trafic… Dans une société confrontée à la raréfaction des matières premières, à l’augmentation de la consommation mondiale et au réchauffement climatique, la promesse issue de la capacité du vivant à trouver des solutions à la fois originales et économes fascine.
« Mais le biomimétisme n’est pas vertueux en soi, c’est un outil qui dépend de l’utilisation que l’on en fait. Et la nature peut aussi être un milieu hostile », prévient Alain Renaudin. De même, face aux fonds de pension qui investissent dans le secteur, certains acteurs mettent en garde contre l’effet greenwashing. Quoi qu’il en soit, selon Janine Benyus, considérée comme la théoricienne du biomimétisme, celui-ci ouvre « une ère qui ne repose pas sur ce que nous voulons prendre à la nature mais sur ce que nous pouvons en apprendre ». Et si ce n’était pas l’Homme qui sauvait la planète mais l’inverse ?
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