FLEXIBILITE. Alors que la loi El Khomri suscite de nombreuses réactions, les artisans entendent bien faire part de la leur. Roland Delzers, président de l’UPA Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées s’en fait le porte-parole.
Roland Delzers, les syndicats patronaux et salariés dénoncent depuis quelques semaines le contenu de la loi El Khomri, qu’en est-il des artisans ?
Une des mesures que nous regrettons le plus est le non-plafonnement des indemnités prud’homales. Cela devient alors très aléatoire et les sommes peuvent parfois être difficilement justifiables. Un salarié ayant travaillé dans une entreprise durant un an peut exiger, à la suite d’un licenciement, près de 50 000 euros, c’est tout de même aberrant ! Ensuite, les accords d’entreprises pouvant primer sur les accords de branches nous dérangent dans son principe. Toutefois, cette mesure ne nous concerne pas forcément, car nous ne pourrons pas l’appliquer, nous ne disposons pas de délégués syndicaux pour le mettre en œuvre. Quant au compte personnel d’activité qui regroupe le compte personnel de formation et le compte pénibilité en autre, il peut constituer un problème dans la logistique d’une entreprise. Au final, les entreprises continueront à être réticentes à l’embauche en CDI, car trop effrayées par l’impossibilité de licencier sans verser des sommes importantes. Cette loi n’est plus tournée vers les entreprises, comme elle était censée l’être. Si nous sommes contre ce projet aujourd’hui, c’est plutôt parce qu’il ne va pas assez loin dans le soutien aux entreprises. Lors des négociations, il conviendrait quand même de concevoir des avancées pour tous, pas uniquement à destination des salariés.
Pour vous, cette loi ne va pas assez loin. Que souhaiteriez-vous y voir ajouter ?
D’abord maintenir ce qui existait. Puis, effectuer une baisse conséquente des charges. Et enfin, revenir sur les indemnités de licenciement et modifier les critères qui le permettent. Habituellement, l’entreprise se met d’abord en danger avant de licencier, il faut donc trouver un compromis et une flexibilité d’embauche et de licenciements, tout en garantissant une stabilité pour les salariés. Nous sommes conscients que si nos employés n’ont pas de bonnes conditions de travail, nous aurons du mal à recruter et ce n’est pas non plus ce que nous désirons !
Mais comment peut-on faciliter les licenciements tout en assurant la sécurité de l’emploi aux salariés?
Il faut partir du principe qu’un salarié, contrairement à quelques années en arrière, ne travaillera pas 20 ans dans la même entreprise. Il est ainsi possible de sécuriser un employé en lui donnant la possibilité de se former, via des comptes de formation et en maintenant des indemnités de chômage tout en obligeant les bénéficiaires à chercher réellement un emploi. Cela afin qu’il puisse passer d’une entreprise à une autre. La sécurisation d’un emploi ne signifie pas un poste à vie dans un même établissement, simplement que le salarié pourra travailler sans interruption, ou du moins pas très longue. Et tout cela sans fragiliser les entreprises.
« Concevoir des avancées pour tous, pas uniquement à destination des salariés »
L’UPA remet également en cause la loi Sapin II. Pourquoi ?
Cette loi dérèglemente les métiers de l’artisanat. Aujourd’hui, pour s’inscrire à la Chambre des métiers, un artisan doit justifier d’au moins un CAP ou de trois ans d’expérience dans la profession. Avec cette loi, ce ne serait plus obligatoire, et n’importe qui pourra devenir maçon, plombier ou charpentier. C’est grave à mon sens, car cela va décrédibiliser l’artisanat, sans compter la dangerosité d’un travail mal fait pour les clients. Cette libéralisation serait mise en place malgré la règlementation draconienne existante, notamment dans le bâtiment. Sans oublier qu’il faudra expliquer aux jeunes générations qu’il est préférable de se former en apprentissage alors qu’ils n’auront pas besoin de certification pour s’installer. C’est un paradoxe ridicule ! Je suis déçu de la méconnaissance totale de notre gouvernement de nos activités.
Que demandez-vous alors au gouvernement ?
De trouver un équilibre sur une simplification administrative à l’embauche et au licenciement ainsi qu’un assouplissement du Code du travail, car pour un artisan qui travaille toute la journée et qui doit en plus savoir faire sa comptabilité, la gestion de son entreprise, les RH, il est difficile de connaître toutes les particularités administratives et les obligations inhérentes à un dirigeant de société. Le patron d’une grande entreprise dispose de services pour tout cela, mais pas l’artisan. Un Code du travail faisant la distinction entre les grandes entreprises et les PME serait peut-être une alternative. Cela collerait ainsi plus à la réalité de chacun, car les trois quarts des entreprises composant le tissu économique français comptent moins de 50 salariés. Il serait donc temps de les prendre en compte. Un Code du travail adapté à la taille et au fonctionnement des entreprises serait l’idéal. Si le bon sens pouvait l’emporter sur l’administratif, cela changerait beaucoup de choses !
Encadré : L’artisanat en LRMP (chiffres 2014):
– 141 200 entreprises recensées, soit une augmentation de 39% en 10 ans.
– 21 400 créations d’entreprises.
– 173 000 salariés employés par le secteur.
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