Innovation. La nécessité de changer de modèle économique semble inévitable pour certains, mais pour beaucoup, cela reste théorique. Pour Jean-Claude Lévy, historien, géographe, spécialiste de l’économie circulaire et chargé de mission auprès du ministère de l’Ecologie, les Rencontres régionales de l’économie circulaire qui auront lieu le 9 octobre prochain à Revel, prouveront que « le changement est en marche. »
Jean-Claude Lévy, qu’est-ce que l’économie circulaire ?
Il s’agit d’un principe d’organisation qui était déjà évoqué lors du Grenelle de l’environnement et qui se trouvait au départ à la croisée de l’application de l’écologie industrielle et des « 3R », c’est-à-dire « réduire, recycler et réutiliser ». C’est un mode économique et social qui pourra rendre à la nature les flux de matières solides, liquides et gazeux qui lui ont été confisqué par la production, dans le cadre de politiques territoriales planifiées appropriées. L’économie circulaire repose sur le principe écologique de plusieurs niveaux d’organisation économique et administrative car ce concept envisage le territoire dans son ensemble.
Ainsi, ce modèle économique modifierait nos modes de production, allant vers une économie maîtrisée et durable, mais aussi nos modes de consommation…
A l’heure actuelle, nous sommes dans une économie linéaire, où les matières premières sont transformées en produits consommés, puis jetés. Ces derniers sont bien sûr délétères pour l’environnement. Changer ce mode de production est une chose, mais il doit être en phase avec les modes de consommation. Hélas, on ne peut pas, d’un coup de baguette magique, modifier un système ancré depuis si longtemps. Des expérimentations en Chine, au Japon et en Allemagne tendent à prouver que ce concept est viable. Plus près, à Revel, des projets d’agroéconomie circulaire existent également.
Pour vous, l’économie circulaire est le modèle du futur ?
Bien sûr, simplement l’échelle de temps pourra être importante, de même que l’échelle d’espace. Nous ne pouvons pas considérer ces transformations sans ces paramètres. Une entreprise a besoin de voirie, de réseaux divers, d’être positionnée dans une chaîne de consommation territoriale.
Dans vos travaux, vous expliquez que l’économie circulaire sera le fait des collectivités territoriales. Quel est leur rôle dans ce modèle ?
Elles auront une responsabilité notamment sur les déchets car l’économie circulaire ne se réduit pas au recyclage. Elles représentent un pôle important pour la réalisation de l’économie circulaire dans la mesure où elles sont donneurs d’ordre, elles planifient la coordination et la gouvernance de leur territoire. Elles sont également décisionnaires de l’implantation industrielle, du logement via les Plans locaux d’urbanisme (PLU), les transports et donc de l’articulation des processus de production. On ne peut pas isoler les collectivités territoriales des industries car il n’y aura pas d’économie circulaire sans passer par ce que l’on appelle l’écologie industrielle et l’écoconception.
La réforme territoriale pourrait-elle ainsi faciliter la mise en place d’une économie circulaire ?
Si la réforme tient compte des principes écologiques, elle articulera des niveaux d’organisation administratifs et politiques et des niveaux d’organisation écologiques. En bref, elle alliera le développement à la préservation de l’écosystème. Si l’on considère la décentralisation de cette façon, cela signifie qu’il faut articuler les niveaux administratifs avec les besoins de l’écosystème.
Cette mutation de notre économie serait-elle génératrice d’emploi ?
Pour l’instant, il est compliqué de faire des projections mais l’ADEME communique un potentiel de 300 000 à 400 000 emplois en France liés à l’économie circulaire. Le modèle n’existant pas encore, il est difficile d’en faire une évaluation.
La région Midi-Pyrénées vous semble-t-elle réunir les critères requis pour que l’économie circulaire y prenne forme ?
J’étais à la Chambre de commerce et d’industrie de Toulouse il y a deux mois. Des élus étaient présents et réfléchissaient aux moyens de faire progresser et d’adopter les logiques de l’économie circulaire. Pour l’instant, nous ne parlons que d’hypothèses expérimentées mais la région Midi-Pyrénées a inscrit ce concept comme un objectif. L’économie circulaire pourrait être une des clés pour sortir de la crise qui dure depuis 2008, et démontre les limites de notre modèle de production. Propos recueillis par Séverine Sarrat Phrase exergue : « L’économie circulaire pourrait être une des clés pour sortir de la crise »
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