Dans quel monde vit-on ? Rendez-vous compte ! Été comme hiver, un pauvre enfant dort dehors, devant l’Hôtel-Dieu, sous les regards indifférents des cadres du CHU.
Pour trouver le nouveau-né, il faut d’abord franchir les grilles bleues surmontées de tridents. Saluer le garde, et obtenir le hochement de tête approbateur, sésame d’une entrée paisible dans la cour intérieure de l’hôpital Saint-Jacques. Une fois parvenu devant les quelques buis rebondis du jardin à la française, il faut observer attentivement pour peut-être apercevoir une espèce commune mais fugace : le touriste. « Oui, il y a un enfant dans un mur, de l’autre côté. Mais nous, nous cherchons le musée de la médecine », décrit Michel avec détachement. Est-ce que ce monde est sérieux ?
Le bébé est dans l’aile Est, celle qui longe la Garonne. Au-dessus de la porte C, s’élève un majestueux escalier. C’est l’entrée principale. À droite de celle-ci est aménagée une petite niche. Derrière une vitre, dort paisiblement le nouveau-né. « C’est plutôt une momie de nouveau-né », lâche Christiane, qui sort du bâtiment. « Ça doit être le Jésus de la crèche de Noël, ils le rangent ici en attendant. »
Christiane se rapproche, plisse les yeux pour déchiffrer la notice explicative. «La tour de l’Hôtel-Dieu Saint-Jacques. On dirait qu’ils ont fait une faute », lit-elle. En fait non. Il s’agit bien d’Un tour d’abandon. Mais le bébé, qui repose sur un plateau en bois rond à l’intérieur d’une armoire tournante, est heureusement une poupée. Et la scène, une recomposition d’une pratique, elle aussi abandonnée depuis des lustres. « L’enfant était déposé, de manière anonyme ou non. Les sœurs faisaient pivoter le mécanisme et recueillaient le bébé pour lui donner les premiers soins », poursuit la notice. Ce dispositif est resté en service tout au long du XIXe siècle. L’Église prenait en charge les orphelins, pour éviter les infanticides. 251 de ces armoires sont alors en réparties partout en France. Les tours arrêtent de fonctionner le 27 juin 1904, quand ils sont définitivement abolis.
L’idée revient pourtant à Hambourg, en Allemagne, le 11 avril 2000, sous le nom de ‘’babyklappe’’. Ce sont des boites chauffées dans lesquelles les bébés peuvent être déposés sans craindre l’hypothermie. Onze pays européens ont aujourd’hui adopté ce dispositif. La plupart du temps, la législation n’autorise pas l’abandon, mais les trop nombreux cas de décès ont poussé ces États à composer. En France, l’accouchement sous X donne droit à une femme d’abandonner anonymement son enfant juste après la naissance. Ce qui explique que ces boites à bébé ne soient pas revenues dans l’Hexagone.
Gabriel Haurillon
La rédaction
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