À la fin des années 1960, le Toulouse Football Club disparaît soudainement du paysage, laissant les aficionados locaux du ballon rond désœuvrés. Une histoire rocambolesque où l’on croise un milliardaire communiste originaire de Noé, quelques grands leaders soviétiques… et même Johnny Hallyday !
Les mauvaises langues diront qu’il n’y a jamais réellement eu de foot à Toulouse. Difficile de leur donner tort au vu du palmarès famélique du TFC. « C’est un club sans gloire et sans public mais dont l’histoire est truffée de moments drôles et émouvants », résume Patrick Boudreault, ancien journaliste de “La Dépêche du Midi” et auteur du livre paru l’an dernier sur les 80 ans du club. Mais dans cette histoire, il y a tout de même un trou de plus de 10 ans. Le fruit de la plus improbable fusion que le football professionnel a connu. Et l’œuvre d’un personnage de roman, Jean-Baptiste Doumeng, surnommé le milliardaire rouge. Maire communiste de Noé, en Haute-Garonne, ce fils de métayer avait fait fortune en important des tracteurs tchécoslovaques, avant de créer l’un des plus gros groupes agroalimentaires français, Interagra. Durant la guerre froide, cet inconditionnel de l’URSS faisait le lien entre l’Élysée et le Kremlin tout en côtoyant la jet-set internationale. Il était ainsi proche de la famille Rothschild et a produit le film Playtime, de son ami Jacques Tati. « Un homme à qui Brejnev a fait envoyer des lévriers en avion privé pour son anniversaire. Et qui, un jour, a fait venir Johnny Hallyday à Noé pour une fête locale », s’amuse Patrick Boudreault.
En 1961, le milliardaire rouge prend donc les commandes du TFC, pour compléter sa panoplie de notable. « C’est un paysan qui débarque en ville pour y obtenir la marque de reconnaissance locale qui lui manque », analyse le journaliste. Les joueurs toulousains goûtent alors aux joies des tournées dans les pays de l’Est. Mais en vérité, le club est en chute libre, les caisses et le Stadium sont vides et l’homme fait un appel du pied appuyé à la mairie de Toulouse pour décrocher des subventions. Tout en menaçant de fusionner le club avec celui du Red Star, en banlieue parisienne. En guise de réponse, il se fait débouter par Louis Bazerque, maire SFIO (ancêtre du PS) de la ville, qui vient de lancer des grands travaux et n’entend pas verser d’argent à des privilégiés. Ce qui n’était au départ qu’un coup de bluff devient alors réalité. En 1967, Jean-Baptiste Doumeng décide de déménager le club à Saint-Ouen, où le maire, camarade communiste, met des logements à disposition des joueurs toulousains. 12 feront finalement le voyage. « Ce n’était pas une fusion mais un sabotage pur et dur, une instrumentalisation politique du football », tranche Patrick Boudreault. Il faudra attendre 1971 pour que l’US Toulouse reprenne le flambeau du football professionnel dans la Ville rose. Et 1979 pour que ce dernier ne retrouve le nom originel de TFC. Alors que le club survit toujours, Jean-Baptiste Doumeng, lui, est mort en 1987. Fidel Castro envoya une couronne de fleurs pour l’occasion.
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