De 21 en 2014, le nombre de caméras à Toulouse est passé aujourd’hui à 366. Un dispositif de vidéoprotection dont la mairie vante les mérites. Laurent Mucchielli, sociologue, auteur de la première évaluation scientifique sur la question, pointe pourtant l’inefficacité et le gaspillage liés à ce système principalement utilisé pour la verbalisation d’infractions routières.
La vidéoprotection est-elle réellement utile ? Aucun doute selon la mairie de Toulouse, qui a récemment rappelé ses « très nombreuses missions qui vont au-delà de la seule lutte contre la délinquance ». Pourtant, dès 2011, un rapport de la Cour des comptes émettait de sévères réserves sur cette technologie, soulignant notamment un contrôle défaillant. « Les municipalités publient régulièrement des bilans, mais il n’y a jamais d’évaluations externes », confirme Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS et auteur de ‘’Vous êtes filmés, enquête sur le bluff de la vidéosurveillance’’.
« Contribuer positivement à la résolution d’enquêtes »
De cette étude effectuée dans plusieurs villes de différentes tailles, « premier travail scientifique sur la question », le sociologue tire une première conclusion : « Les caméras ne protègent pas contre les attaques terroristes, ce qui représente pourtant l’argument numéro un de leurs promoteurs. Les derniers exemples ont montré que les images, diffusées après coup, n’ont pas permis de les empêcher. »
À Toulouse, la mairie met, elle, l’accent sur la capacité de l’outil à « contribuer positivement à la résolution d’enquêtes » et sur son utilité pour les victimes. En 2018, la police nationale a procédé à 1 418 réquisitions d’images auprès du Centre municipal de vidéoprotection urbaine (CVU). Presque deux fois plus qu’en 2017. Mais là encore, Laurent Mucchielli estime que cet indicateur ne dit rien sur l’efficacité des caméras : « Il est rarissime d’obtenir un visage net à découvert. Et, dans la majorité des cas, les images à elles seules ne permettent pas d’élucider une affaire. »
Pour mesurer le poids réel de la vidéosurveillance, il faudrait, selon le chercheur, savoir parmi ces réquisitions d’images, combien ont vraiment joué un rôle. Mais aussi comparer ce chiffre à l’ensemble des affaires sur une année. Un ratio qui représente de 1 à 3 % des cas étudiés par le sociologue. Loin de justifier les investissements réalisés par les communes : 9,7 millions d’euros depuis 2014 à Toulouse, où 366 caméras sont actuellement opérationnelles.
Quant à la détection de faits de délinquance en direct, là encore le constat est sans appel : « Elle est si faible qu’aujourd’hui, le système est détourné pour faire de la vidéoverbalisation d’infractions routières. Et quand il s’agit de sécuriser une zone précise, comme un point de trafic de stupéfiants, les caméras ne font que déplacer le problème. »
« C’est un outil politique et commercial »
La mairie insiste également sur un autre service rendu par la vidéoprotection : le secours à la personne (207 opérations en 2018). Et cite l’exemple d’un enfant égaré, localisé par les caméras et remis à sa mère par la police municipale. « Comme souvent, c’est un fait divers qui est invoqué. L’intérêt de la vidéosurveillance est d’apaiser le sentiment d’insécurité, pas de la combattre. C’est un outil politique et commercial », fustige Laurent Mucchielli. Ce dernier préconise donc de limiter les caméras aux emplacements stratégiques, ce qui permettrait de libérer les agents enfermés dans les CVU et de les redéployer sur le terrain pour compenser le manque d’effectifs de police de proximité.
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