Doutes. Valentin Mousset et son ami François-Xavier Daubigeon ont disparu lors d’un trek dans l’Himalaya. À l’heure où les autorités françaises et indiennes ont clôturé le dossier et concluent à une mort accidentelle, les parents des deux étudiants restent perplexes et s’interrogent.
Cela fait maintenant un an et trois mois que Valentin Mousset et François-Xavier Daubigeon ont été portés disparus dans l’Himalaya, le 22 août 2013. Ces deux étudiants de Sciences Po Toulouse, partis dans le cadre d’une mission sanitaire, pour construire une école en Inde, ont entrepris de gravir la montagne de Dhauladhar avant de rentrer en France, sommet dont ils ne reviendront pas. Les autorités indiennes et françaises ont alors organisé les recherches, mobilisant des guides de haute montagne et l’armée, afin de localiser les deux jeunes Français. Sans résultat, les parents de Valentin et François-Xavier espèrent pourtant de longs mois : « sans preuve de leur mort, nous ne pouvons nous y résoudre », confie Christine, la mère de Valentin. Il y a quelques mois, Paul Rey, le colocataire de Valentin à Toulouse, expliquait que « personne ne peut affirmer qu’ils sont vivants, mais personne ne peut non plus certifier qu’ils sont morts. Le mystère reste entier car les autorités n’ont rien trouvé. » Jusqu’au témoignage, en octobre 2013, d’un berger ayant localisé des vêtements. L’espoir renaît alors dans les yeux des parents des deux étudiants, et la cellule de crise du Quai d’Orsay, mise en sommeil en novembre 2013, est réactivée. Une équipe de 26 personnes est alors constituée pour mener des investigations au cœur même de l’Himalaya, là où des indices ont été repérés. « Mais l’expédition est revenue bredouille, sans aucune preuve privilégiant un scénario ou un autre », regrette Yves-Marie, le père de Valentin Mousset. Pourtant, « les autorités indiennes et françaises ont bouclé le dossier, estimant avoir fait tout ce qui était en leur pouvoir », se désole-t-il. Le rapport résultant des recherches menées entre le 16 et le 20 septembre 2014 conclut à une mort accidentelle suite à une chute dans un glacier ou un torrent. Mais le manque de preuves et l’incohérence des événements supposés par les autorités ne convainquent pas les parents des deux étudiants. « On ne lâche pas, mais on ne sait plus quoi faire ! » se lamente la mère de Valentin.
« Ces trois personnes savent quelque chose ! »
Les éléments rapportés par les analyses officielles restent flous et illogiques pour les familles des disparus. Le père de Valentin, entouré de guides de haute montagne , s’était rendu lui-même en Inde, en juin dernier, pour y entreprendre une expédition, soldée par un échec : « nous n’avons rien trouvé de probant », explique-t-il. Il offre alors une récompense à toute personne susceptible d’apporter une information utile. Le jour même du départ d’Yves-Marie pour la France, ce qui lui semble troublant, trois trekkeurs se présentent aux autorités pour leur confier le sac-à-dos et une chaussure, trouvés dans une zone non encore explorée. Pour le père de Valentin, « c’est très louche ! Les trois trekkeurs ont bien pris soin de se signaler au commissariat avant de s’engouffrer dans la montagne pour toucher la récompense. De plus, ils sont partis le jeudi et sont revenus le lendemain avec les affaires de mon fils alors que personne n’avait rien trouvé jusque-là, après plusieurs jours de recherche… Je reste persuadé qu’ils savaient où ils allaient…» La semaine suivante, les trois trekkeurs repartent à l’assaut de l’Himalaya, accompagnés de policiers, et le même scénario se reproduit. « Ils sont revenus avec le blouson, la polaire et la pantalon de Valentin. C’est invraisemblable qu’ils aient pu trouver autant d’indices en si peu de temps ! » s’interroge Yves-Marie. D’autant que l’un d’entre eux s’était joint à l’expédition dont faisait partie le père de Valentin quelques jours avant. Pour lui, cela ne fait aucun doute, « ces trois personnes savent quelque chose ! » Deux d’entre eux ont été interrogés mais sans pouvoir en apprendre plus. Le troisième, leader du groupe, ne l’aurait toujours pas été, ce qui interpelle Yves-Marie : « on nous répond qu’il n’était pas disponible lors des interrogatoires, mais depuis nous n’avons plus de nouvelles ! » Pour relancer l’enquête, les familles des disparus ont annoncé le versement du reste de la récompense lorsque le trekkeur aura parlé. De plus, le rapport fait état d’affaires « abîmées » concernant les vêtements retrouvés mais « si Valentin était tombé dans un torrent ou un glacier, comme l’attestent les autorités, ses affaires seraient déchiquetées, or ce n’est pas le cas », constate le père du jeune homme.
« C’est absurde et incohérent ! »
Pour lui, il ne s’agit pas d’une affaire de disparition en montagne, pure et simple. Pour preuve, les contacts qu’avaient pu créer les familles pour glaner des informations, ne répondent plus. « C’est troublant. En Inde, la culture n’est pas la même et la police y est très susceptible. Les autorités ont leur honneur et n’apprécient pas d’être chatouillées … » rapporte Yves-Marie, bien conscient d’avancer en terrain miné. L’ambassade d’Inde à Paris, contactée il y a quelques mois, nous avait d’ailleurs signifié que la disparition ayant eu lieu en territoire népalais, elle ne disposait ainsi d’aucune information. Les seules personnes disposant d’éléments concrets disparaissant au fur et à mesure, il n’est donc pas évident de rassembler les preuves. En plus du trekkeur qui n’a toujours pas témoigné, le berger qui avait repéré les affaires des deux étudiants et qui était clairement identifié, ne le serait plus : « on nous dit aujourd’hui, qu’on ne sait plus qui il est, ni où il est ! C’est absurde et incohérent ! » s’agace Yves-Marie, qui rappelle un fait étrange : aucune affaire appartenant à François-Xavier n’a été retrouvée. Tout cela reste opaque et les familles l’ont bien compris. Ne pouvant plus se tourner vers les autorités qui ont clôturé le dossier, elles se trouvent contraintes d’activer d’autres pistes : « nous avons le sentiment que des gens savent quelque chose et nous cherchons un moyen d’avoir accès à leurs informations. Mais tout semble compliqué tant la culture et la manière d’approcher les gens sont différentes ! » Car même s’ils n’écartent pas la possibilité que Valentin et François-Xavier aient été victimes d’un accident, les familles envisagent toujours un enlèvement ou une retenue sous contraintes, voire une agression ayant entrainé la mort de leur enfant.
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