Les résultats d’une enquête sociolinguistique d’une ampleur inédite sur l’état de la langue occitane confirment sa lente extinction.
Manifestation pour la défense de la langue occitane CC-BY-SA Wikimedia Commons / Pierre SelimLa langue occitane plus que jamais en voie d’extinction ? C’est ce que révèle notamment une enquête menée par l’Office public de langue occitane (OPLO) auprès de 8000 personnes dans l’ensemble des régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine ainsi que dans le Val d’Aran en Espagne. Dix ans après les précédentes études menées séparément sur plusieurs territoires, c’est la première fois qu’un état des lieux de cet ampleur est effectué sur une zone géographique aussi large.
Et le principal enseignement est sans appel. Avec 7% de personnes interrogées déclarant parler l’Occitan sans difficulté, ou suffisamment pour tenir une conversation simple, le nombre de locuteurs a chuté de trois à quatre points en une décennie. On en compterait aujourd’hui autour de 540 000 sur le territoire étudié avec des situations assez disparates selon les zones.
Si dans certains départements, le taux de locuteurs peut atteindre plus de 20%, il est par exemple seulement de 2% au sein de Toulouse Métropole, en dépit d’une présence plus forte de la langue dans les médias et dans l’espace public, à l’image des annonces de station dans le métro. Autre particularité dans les 37 communes de la collectivité, le taux de personnes déclarant avoir appris la langue à l’école (14%) y est plus important que sur l’ensemble de l’aire observée (8%).
« Le constat n’est pas nouveau ; l’Occitan rentre dans les critères des langues considérées en sérieux danger d’extinction par l’Unesco depuis de nombreuses années. Et avec l’évolution démographique et la disparition progressive des locuteurs naturels, il n’est pas surprenant que la tendance soit encore à la baisse », assure Charline Claveau, présidente de l’OPLO.
Mais au delà de la simple photographie du moment, l’objectif de l’organisme était d’aller plus loin dans l’analyse et d’identifier les freins et leviers autour de l’Occitan. Les résultats de l’enquête sociolinguiste permettent ainsi de dessiner le portrait robot de l’occitanophone aujourd’hui : un homme (66%), vivant en milieu rural (56%) et âgé en moyenne de 66 ans. Ils nous apprennent également que l’Occitan est, de nos jours, parlé dans la sphère privée en grande majorité (79%) tandis qu’on le lit surtout dans la presse de proximité (66%) avec toutefois un usage en hausse sur Internet et les réseaux sociaux. Enfin, parmi les locuteurs, 70% déclarent l’avoir appris par la famille.
« Selon certains indicateurs, il est même possible d’avoir une lecture optimiste de la situation. Pour la première fois, on observe en effet, dans certains départements comme les Pyrénées-Atlantiques, l’Aveyron ou la Lozère, un enrayement de la chute du nombre de locuteurs. Ce sont ceux où l’offre d’enseignement est la plus élargie », éclaire Charline Claveau.
Pour ne pas céder au fatalisme, l’OPLO s’appuie également sur l’exemple du Val d’Aran, où l’occitan est une langue co-officielle, systématiquement proposée à l’école, et où le taux de locuteurs dépasse les 60%. Ainsi que sur celui d’une autre langue voisine, le Basque, qui a connu ces dernières années un spectaculaire redressement. « Les contextes culturels et politiques ne sont pas comparables mais cela nous montre que c’est possible », souffle la présidente.
Et selon cette dernière, l’enjeu numéro un est bien évidemment l’enseignement qui doit être possible tout au long de la scolarité. Satisfaite de la hausse significative des montants publics alloués au développement de la langue, elle déplore cependant, dans le même temps, une réforme du lycée qui a entraîné la perte de près d’un tiers des effectifs d’élèves étudiant l’Occitan. « Cette incohérence est liée à un problème de fond qui est la peur viscérale de la divisibilité de la République dans un pays qui a construit son unité sur une vision très centralisée. Les langues régionales sont l’impensé dans l’Etat », analyse Charline Claveau.
Elles semblent être en tout cas de plus en plus dans le cœur des Français. Selon l’enquête, 92% des personnes sondées se disent favorable au maintien de la langue occitane et 81% à des actions publiques pour développer son enseignement. Une véritable plébiscite qui doit maintenant se convertir en pratique concrète pour conquérir de nouveaux locuteurs et la sauvegarder. Car quand on parle de langue régionale, selon la présidente de l’OPLO, « on parle aussi de culture, d’attractivité du territoire, de savoirs-faire et tout simplement, de sens ».
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