J’ai rencontré le sujet délicat de la légitime défense policière, lorsque j’étais chargé à la Mairie de Toulouse de la police municipale et des affaires juridiques.
Le ministre de l’Intérieur a mis le sujet au cœur de l’actualité à l’occasion des coups de feu subis par un policier grièvement blessé par un multirécidiviste en cavale à Saint-Denis. Prenant le problème, à bras le corps, Bernard Cazeneuve a déclaré : « dans des cas très particulier » les policiers doivent pouvoir assurer leur protection. La déclaration du ministre aura été prémonitoire, quelques jours plus tard, éclatait la terrible affaire du Bataclan.
Bernard Cazeneuve propose un travail parlementaire associant tous les groupes. Le droit actuel ne fait guère de distinguo entre la légitime défense du particulier et celle du policier. C’est cette relative identité que le ministre à juste titre veut dynamiter car il est difficile de mettre sur un même plan le policier dans l’exercice de ses fonctions et le citoyen lambda. La deuxième préoccupation du ministre est de donner aux policiers des droits égaux à ceux des gendarmes ; privilégiés par l’article L2338-3 du Code de la défense qui permet aux gendarmes de faire usage de leurs armes lorsqu’un délinquant identifié a forcé un barrage. Tout cela mérite d’être harmonisé par la loi.
Les conditions actuelles de la légitime défense sont définies par l’article 122-5 du Code pénal.
La légitime défense doit être proportionnée, immédiate et mesurée par rapport à la gravité de l’attaque. Le policier en présence d’une kalachnikov a-t-il le temps de peser les trois critères ? Non : il réagit d’instinct, le doigt crispé sur une détente qui peut soit sauver sa vie, soit la renvoyer devant le Tribunal correctionnel pour homicide involontaire. Ainsi, le syndicat de policier Alliance a raison de demander au Parlement de préciser les conditions d’utilisations d’une arme qui chaque jour peut sauver la vie d’un policier.
« Les magistrats eux-mêmes ont des difficultés pour retenir ou rejeter la notion de légitime défense »
Les délinquants et les terroristes sont de plus en plus violents et sont maintenant lourdement armés. Ils n’hésitent plus à faire usage de ces armes dès qu’ils courent le risque d’être pris, alors que le policier n’a que son pistolet automatique pour seul moyen de défense. Au regard des tueurs de masses, notre droit doit être revisité par le Parlement. Pourquoi ne permettrait-on pas à certains policiers de rester armés en dehors des heures de service, du moins pendant l’état d’urgence ?
Les magistrats eux-mêmes ont des difficultés pour retenir ou rejeter la notion de légitime défense. La légitime défense a été reconnue au gardien de la paix « qui, poursuivant seul en pleine nuit et en des lieux obscurs qu’il connaissait mal, l’auteur d’une tentative de vol, et savait qu’un complice armé d’une pince monseigneur risquait de réapparaitre à tout moment pour prêter assistance à son compagnon, a, devant la réaction violente du malfaiteur lors de son interpellation, fait usage de son arme et blessé celui-ci ». En revanche, dans une affaire très proche, la légitime défense a été refusée. La Chambre de l’instruction a renvoyé un autre gardien de la paix devant la Cour d’assises pour violences mortelles avec armes pour les faits suivants : « après une première collision d’un véhicule volé, avec une voiture de police, causant des blessures mortelles à un gardien de la paix, l’accusé, averti par messages radio de l’arrivée d’autres véhicules suspects, a tiré trois coups de feu avec son arme de service, atteignant mortellement l’un des conducteurs ».
Autant il est facile aux magistrats et aux avocats de disséquer à la loupe dans le confort d’une salle d’audience de ce qu’il aurait été opportun de faire, autant les policiers ont besoin de savoir avec le plus de précision possible jusqu’où ils peuvent aller. C’est au Parlement de le définir plutôt qu’à la jurisprudence.
Restaurer l’autorisé des policiers, c’est restaurer l’autorité de l’État, une autorité dont nous aurons de plus en plus besoin dans l’avenir très sombre qui sera désormais le nôtre.
Jean-Paul ESCUDIER
CV :
Avocat au barreau de Toulouse, spécialiste du droit de la famille, du droit public, du droit civil et du droit des étrangers.
Conseiller délégué honoraire de la Ville de Toulouse.
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