HARMONIE. Il faisait beau, l’été semblait retrouver un peu de vigueur et nos trois invités se pressaient en terrasse pour savoir à quelle sauce ils allaient être mangés. Coco Camel, Pierre Lacaze et Alain-Jean Varet un trio détonnant pour ce second débat de la rentrée. Au menu : l’allocution de François Hollande, les migrants et la grogne des buralistes.
Par Aurélie Renne et Séverine Sarrat
On nous annonce du merlu sauce écrevisse. Pourquoi pas mais c’est finalement dans le discours que la président de la république a donné, la veille, aux journalistes que nos invités chercherons les arêtes… Pierre, l’homme politique de la table se lance : « je l’ai trouvé décevant : il amène peu d’éléments de réponse sur les sujets nationaux, rien de concret seulement quelques promesses mêmes pas chiffrées ». La bloggeuse à sa droite soutient son voisin et évoque carrément la crise morale dans laquelle la société s’est enfoncée, avec pour symptômes perte de confiance et votes de contestation. « Clairement ce que j’ai vu c’est un président qui se cache derrière le sujet des migrants pour détourner l’attention du reste ». Alain-Jean n’a pas suivi l’allocution présidentielle mais explique que François Hollande se « caractérise par une langue de bois récidivante ». Et au-delà, ce qui le scandalise, bien que fils de militaire c’est l’idée d’aller « balancer des bombes en Syrie comme si ça allait servir à quelque chose, sans parler du fait qu’on est dans la négation absolue de tous les propos de gauche ! ».
-Pierre : Bon comme on me lance des perches depuis tout à l’heure, je vais donner mon avis franchement : Hollande est dans un positionnement droitier ! Je suis pour combattre Daesh mais pas comme ça… La France devrait fermer les comptes bancaires car on sait que la Turquie finance Daesh par l’achat de son pétrole ! Quant aux annonces vis-à-vis des réfugiés – je préfère ce terme à celui de migrants- je suis extrêmement mécontent, on a quand même une tradition d’accueil !
-Alain-Jean : Personnellement je préfère être à ma place qu’à la sienne en ce moment…
« François Hollande se caractérise par une langue de bois récidivante »
Le sujet glissant très spontanément vers celui de la crise des migrants nous laissons nos invités s’en donner à cœur joie : « Faut-il évoquer ces maires qui sont d’accords pour accueillir les migrants mais seulement ceux qui sont chrétiens ? » à l’instar du maire de Roanne qui voulait « éviter les terroristes déguisés ». Si certaines réactions choquent, les initiatives positives pleuvent elles-aussi. Comme l’illustre la plateform Calm animée par des particuliers qui proposent un toit aux migrants. A table nos invités se posent eux-mêmes la question… Et la majorité semble se ranger vers l’accueil : « Moi je dis oui. 29 000 morts en méditerranée qu’est-ce qu’on va faire ? Un cimetière ? J’espère que le revirement de Merkel va dans le sens de l’accueil. Mais attention il ne faut pas ouvrir ses portes et puis c’est tout, il doit y avoir un suivi », prévient Pierre. Pour Coco il faut se donner les moyens d’accueillir ceux qui en ont besoin, mais aussi aider par de petites actions au quotidien. Quant aux idées FN qui surfent sur la vague de cette crise de migrants tous sont d’accord pour dire que le sujet est récupéré par les partis politiques. « D’ailleurs l’immigration économique est plutôt européenne, il ne faut pas mélanger ces deux sujets », explique Pierre. Comment parler du sujet sans évoquer l’image de ce petit garçon mort noyé, retrouvé sur une plage de Bodrum, en Turquie…
-Alain-Jean : L’intérêt de cette image c’est d’éveiller les consciences.
-Pierre : Pas toutes ! Il faut vraiment un plan d’urgence car François Hollande n’a rien dit de concret !
« L’accueil des réfugiés est le bon camp »
Mais cet élan de solidarité qui n’est pas sans rappeler celui du début d’année, qui a fait suite à l’épisode meurtrier à la rédaction de Charlie-Hebdo, va-t-il s’essouffler aussi vite ? Nos invités clament en cœur croire en la solidarité et en l’humanité… même si « ce ne sont souvent pas les plus riches qui aident les plus pauvres » indique Pierre. Il poursuit : « en janvier on a été touchés sur notre territoire, là on prend conscience que certains le sont sur le leur, je pense que cela va faire bouger les choses ». Et notre bloggeuse d’évoquer certaines initiatives individuelles en Hongrie pour aider les réfugiés malgré la position du gouvernement.
-Coco : Il n’y a rien de plus fort que la mobilisation populaire, cela me rappelle la résistance…On est donc en guerre.
-Pierre : En tout cas l’accueil des réfugiés est bien le bon camp.
Les crèmes brûlées nous télescopent vers d’autres horizons : la grogne actuelle des buralistes, un métier en perdition qui cherche à se réinventer… « Il y a deux questions : le problème d’une profession et la question de la lutte contre le tabagisme. Il ne faut pas confondre les deux ! »
-Coco : D’autant qu’augmenter les prix ne fera pas baisser la mortalité.
-Pierre : Cela ne fait qu’augmenter les trafics, à Toulouse on est bien placés pour le savoir…
-Coco : Et on n’aide pas les gens en créant la peur avec des paquets répugnants. Car qui dit peur, dit angoisse, dit cigarette !
« Après l’exode rurale et la révolution industrielle, voilà l’économie numérique »
Notre avocat dit ne pas pouvoir « s’exprimer quant à l’appétence pour la cigarette, mais pointe ces petits commerces confrontés à la fois au chiffre d’affaires obligatoire, aux taxes données à l’Etat et à leurs petits revenus… « Ils y passent leur vie mais ne la gagnent pas ! » Coco, utilise alors tout son savoir de professeur en marketing et management pour expliquer que nous connaissons une nouvelle transition majeure : « après l’exode rurale et la révolution industrielle on arrive à l’économie numérique : internet crée de nouveaux emplois mais en détruit, il est urgent de s’adapter ! » Une idée lancée un peu au hasard crée alors l’adhésion chez nos invités : et si les buralistes devenaient des « bureaux de proximité » pour renouer avec le contact, en diversifiant leurs activités ? Epicerie, relai colis et autres services… A cogiter… En attendant, l’heure tourne, le café est avalé rapidement et nos invités filent chacun de leur côté, l’esprit encore songeur.
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