C’est un tout petit coin de Toulouse, au cœur du quartier Arnaud-Bernard, où il n’y a presque plus de place sur les murs pour exprimer son âme d’artiste. Mais qu’est-ce qui attire tant les graffeurs ici ?
On dit de Toulouse qu’elle est la Ville rose, mais du côté du quartier Arnaud-Bernard, elle est carrément bariolée. Ici, la brique cède face à la concurrence des tags et autres graffitis. Le street-art s’est totalement accaparé la rue Gramat.
La bande d’Arnaud-Bernard
Ce petit bout de Toulouse sert de point de départ pour les ‘’Graff tours’’ de l’office de tourisme. L’occasion parfaite pour enquêter incognito et comprendre ce qui attire les graffeurs à cet endroit. Ceux qui préfèrent l’art pariétal dans la grotte de Lascaux plutôt que sur les murs de leur immeuble vous diront que c’est la faute des Vandales. Mais ces barbares germaniques n’y sont pas pour grand-chose. D’après Panks, lui-même adepte de la pratique, tout est parti d’une bande d’adolescents, un peu rebelles et influencés par la culture américaine, qui « étaient au collège les Chalets, juste à côté, à la fin des années 1980. »
Mosquito, Tilt, Soune, Tober, Cee-T, Fastoche… Aujourd’hui encore, leurs tags – comprendre leurs noms d’artistes – sont respectés dans le milieu et connus jusqu’aux États-Unis. Mais avant de devenir des superstars du graff, ils ont fait leurs armes dans le quartier Arnaud-Bernard. À l’époque, « il était en restructuration, avec des zones en friche et donc beaucoup d’espaces libres », explique la guide Sarah Chandioux. « Et puis, c’est aussi un quartier très ouvert, avec beaucoup d’associations et une atmosphère particulière. »
La rue Gramat, un atelier discret à ciel ouvert
Malgré cette atmosphère, les premiers graffeurs étaient plus souvent qualifiés de voyous que d’artistes. Ils ont donc trouvé refuge dans la discrète rue Gramat. « D’un côté de la rue, il y a le lycée Saint-Sernin et de l’autre des habitations, donc c’était moins compliqué, parce qu’il y avait moins d’autorisations à demander et qu’on dérangeait moins de monde », raconte Panks. Autre petit avantage apprécié par l’expert : « Elle est suffisamment large pour faire du graff, elle est courte et il y a peu de passage, donc on n’est pas embêté. »
Si les murs de cette rue sont la toile préférée des graffeurs, c’est donc avant tout pour une question de configuration. Mais au fil des ans, la rue Gramat est devenue emblématique du graff toulousain à tel point qu’elle a accueilli, en 2000, un des premiers projets d’envergure en la matière, en partenariat avec la mairie et les habitants. Une fresque dont il ne subsiste que quelques traces aujourd’hui, le reste étant recouvert par près de 20 ans de graff plus ou moins légaux. Et si le street-art continue de s’y épanouir, c’est que « les gens qui vivent ici s’y sont habitués. Ça ne pose plus problème et c’est pour ça que les artistes reviennent. »
Michael Ducousso
La rédaction
Le Journal toulousain est un média de solutions hebdomadaire régional, édité par la Scop News Medias 3.1 qui, à travers un dossier, développe les actualités et initiatives dans la région toulousaine. Il est le premier hebdomadaire à s'être lancé dans le journalisme de solutions en mars 2017.
Voir les publications de l'auteur
Commentaires
CCAB le 05/10/2024 à 14:05
http://www.arnaud-bernard.net/index.php/fresque-rue-gramat.html
La fresque de la rue Gramat
Historiquement, le quartier Arnaud Bernard est celui par lequel le tag et le graff sont arrivés à Toulouse. En 1997, l'idée de rafraîchir le crépi extérieur de la maison de quartier Arnaud Bernard, la "casa del barri", pousse à proposer de "frescare".
Cette œuvre a été réalisée dans un esprit de réappropriation de toute la rue Gramat tagguée et dégradée. Plutôt que le vain nettoyage, le Carrefour culturel Arnaud Bernard a donc proposé la création d'une œuvre collective.
L'association a choisi de faire évoluer le tag lui même, en tant qu'espace d'expression publique à une création démocratique ou différents styles peuvent se rencontrer. Comme tout projet, la fresque est la réalisation d'un travail en partenariat, entre les habitants du quartier, le Carrefour culturel Arnaud Bernard, le Comité de quartier, l'association Parentèle et l'association Solidarité et Jeunesse.
Ce projet initié en automne 97 est d'abord une création associative bénévole. Chemin faisant, un travail important a été fourni, il révèle alors de nouveaux besoins qui ont permis de créer un Contrat Emploi Solidarité dans l'association et une activité pour créer un "service ville". Les actions futures de l'association visent à pérenniser ces activités nouvelles en emplois permanents vers d'autres aventures.
Un beau projet pour une mise en œuvre difficile
C'est une chose d'avoir un projet, mais encore faut-il se donner les moyens de le réaliser ! Pour arriver à ses fins, le Carrefour culturel Arnaud Bernard a effectué deux ans et demi de travail de préparation grâce à des réunions publiques de concertation. Une fois finalisée, la maquette de la rue repeinte est soumise et acceptée par les habitants, les propriétaires de la rue et la mairie de Toulouse. Un chantier international peut alors commencer. Pendant 25 jours (du 10 mai au 5 juin 2000), des volontaires ont préparés les murs taggués de la rue Gramat. Ce grand nettoyage a aussi donné lieu à des repas de quartier, des moments festifs, des conversations socratiques permettant l'appropriation de la rue. Grâce à ces moments privilégiés, nous avons assisté à une véritable rencontre dans le travail et un partage des savoirs.
Pendant l'été, peintres "classiques" et graffeurs ont travaillés ensemble sous l'attention des habitants du quartier Arnaud Bernard. Un dialogue s'est alors installé naturellement ce qui a permis de changer le regard de chacun.