Issu d’une famille gersoise au papa gourmand et à la maman cuisinière, Michel Sarran s’est hissé au plus haut rang de la gastronomie. Son restaurant, décoré de deux étoiles Michelin, est installé à l’ombre des grands arbres du boulevard Armand Duportal à Toulouse. De son village natal aux cuisines d’Alain Ducasse en passant par le Japon et les plateaux télé, découverte d’un chef amoureux de sa région.
Par Amélie Phillipson
Le point de départ, comme le raconte le chef, c’est sa maman. «Une sacrée bonne femme. Rien ne l’arrêtait. Elle avait un culot énorme». A vingt ans, peu absorbé par ses études de médecine, il part travailler dans l’auberge familiale, à Saint Martin d’Armagnac, son village natal du Gers. «Je n’étais pas bon élève et il a fallu trouver un métier, pour me faire trois sous». La passion n’est pas encore là.
Et puis sa mère va manger chez Alain Ducasse. Le chef monégasque a vingt-cinq ans et n’a pas encore d’étoile. A la fin du repas, elle le remercie et dit «c’était super, il ne vous manque que mon fils». Cette rencontre, Michel Sarran en parle comme d’une révélation, car c’est finalement grâce au coup de pouce du chef renommé, qu’il commence à se faire une place. «Dans ma famille, on ne connaissait pas la haute gastronomie. En travaillant avec Ducasse, j’ai touché du doigt l’excellence».
Il obtient sa première place de chef dans un restaurant à Saint-Tropez. «Je me suis fait virer au bout d’un an. J’avais tendance à croire que j’étais le patron». Un beau présage, puisqu’il atterrit en 1990 au Mas du Langoustier à Porquerolles, où il obtient un an plus tard sa première étoile. «Un gros challenge, on faisait quatre cent couverts par jour».
Assumant son «indépendance» et sa «fibre entrepreneuriale», il créé son propre restaurant à Toulouse. C’était il y a vingt ans. «Je n’avais pas d’argent et je cherchais une maison. J’aime bien cette notion d’aubergiste, et la maison doit s’inscrire dans la région». A en voir le résultat, le pari est réussi, «un travail autour de la brique avec une vision contemporaine car Toulouse est une ville tournée vers le futur». Aujourd’hui, Michel Sarran se dit «ambassadeur gastronomique de la région».
«Je n’avais pas envie de faire Top Chef »
Venons-en à la gastronomie justement. Selon lui, la haute cuisine est «un moyen d’expression». Le gersois, bavard, y a trouvé «l’opportunité de raconter des histoires, comme un moment passé avec mes filles». Sa signature : une soupe de foie gras à l’huître de Belon, souvenir du «coup de pied au cul» que lui a donné Alain Ducasse. «C’est la rencontre de la générosité paysanne du terroir gascon et d’une cuisine italienne aux accents pointus».
Comment concilier art et business ? «Il faut être gestionnaire et avoir une analyse lucide d’un métier qui s’appuie sur quelque chose de beaucoup moins cartésien». A la tête d’une société de conseil, Michel Sarran a sans conteste ce côté gestionnaire. Curieux, il aime faire pleins de choses, alors il ne veut pas qu’on lui reproche de s’éparpiller. «Qu’on ne me juge pas parce que je fais de la télé».
Justement, la télé, il faut bien en parler. «Je n’avais pas envie de faire Top Chef. Il sont venus me chercher en disant qu’ils aimaient bien ma personnalité alors que je ne les connaissait pas». Mauvais départ. Mais sa curiosité prend le dessus et il va au casting. Pas de regret. «J’ai vécu une expérience géniale, avec beaucoup de complicité. C’était un peu la colonie de vacances pendant deux mois. C’est une émission où la cuisine est l’élément principal. J’étais bluffé par la passion des candidats». Reste la diffusion de l’émission. «L’impact télé confère un autre statut. Dans la rue on m’arrête pour faire des selfies. Des belges ont fait l’aller-retour dans la journée pour goûter la cuisine d’un homme qui leur a plu à la télé».
La pression qui repose sur les épaules du chef reste un fil rouge. «Cela peut être douloureux. Les gens attendent beaucoup. On est toujours en quête de quelque chose et on n’est jamais satisfait. Je suis dans une recherche permanente de sérénité. Avec l’âge, c’est plus facile de la trouver. Rendre des gens heureux même momentanément, c’est un plaisir immense». Il a ses «jardins secrets», aussi, comme l’aviation, ou la mer, mais demeure pudique sur le sujet. Un dernier mot quand même ? «La vie est belle», conclut-il sans hésiter.
ENCADRE
Le voyage forge le goût
Aujourd’hui chef de renom, Michel Sarran est appelé à cuisiner partout, notamment au Japon dont il apprécie la richesse culinaire. Ses voyages lui permettent de sortir du cocon gersois grâce à «des odeurs, des ambiances, des atmosphères et de nouvelles saveurs», une ribambelle de petits déclics qui l’inspirent.
Commentaires