Fret sur le canal : retour vers le futur
DELOREAN. Pendant plusieurs siècles, les marchandises étaient majoritairement transportées par péniche. Aujourd’hui, à l’heure où les enjeux environnementaux prennent de plus en plus de place dans les décisions politiques, Jean-Marc Samuel, membre de la Chambre nationale de la batellerie artisanale, milite pour la redynamisation du canal du Midi et le redéploiement du fret.
« Aujourd’hui quand on dit canal, beaucoup pensent uniquement aux berges », lâche Jean Marc Samuel debout devant sa péniche. Le temps de travaux de réparation, le bateau baptisé Le Tourmente, se repose dans la cale sèche toulousaine du pont des Demoiselles. Si l’embarcation de 250 m3 peut recevoir jusqu’à 180 tonnes de marchandises, ses capacités de transport sont encore sous-exploitées. «Le canal du Midi a été utilisé pour le fret pendant 300 ans et puis tout d’un coup plus rien », raconte son propriétaire. «Quand j’ai entendu des gens dire que le transport sur le fleuve n’était plus possible, ça m’a énervé», confie-t-il. Cet ancien menuisier change alors de costume et décide de s’engager et de militer pour le fret. En 2007, Le Tourmente part pour sa première opération de promotion du transport fluvial et charge à Béziers des caisses de vin à destination de Bordeaux. Sur le terrain, à travers l’association Vivre le canal ou via le collectif Agir pour le fluvial, il tente de mobiliser politiques et acteurs du secteur.
«Le fret est la raison d’être essentielle du canal, il n’y a même pas besoin de le dire puisque c’est pour ça qu’il a été créé», insiste-t-il. Dans les années 1970, au plus fort de son exploitation, le transport sur l’ouvrage de Riquet et le canal latéral à la Garonne enregistrait ainsi 620 000 tonnes de marchandises transportées. « Et puis on a voulu développer les autoroutes et l’on a oublié les voies fluviales. Aujourd’hui, l’utilisation des canaux constitue seulement 3% des transports, contre 82 % pour la route. » Pas extrémiste non plus, celui qui représente le Sud-Ouest à la Chambre nationale de la batellerie artisanale, se contenterait de voir passer cette proportion à 10%.
Jean Marc Samuel descend les marches qui mènent à la vaste cale de sa péniche. « Déjà, il y a un avantage écologique : le transport fluvial permet d’utiliser moins de carburant fossile que le transport routier.» Le fret par voie d’eau garantirait également un grand respect des marchandises fragiles en évitant chocs et vibrations. «Pas de bruit, pas d’accident, pas d’engorgement », résume le capitaine du Tourmente. Et certains commerçants ont déjà repris le pli. Jean Marc Samuel cite l’exemple d’une enseigne de supermarché du centre-ville parisien qui a remis le fret au goût du jour en organisant des livraisons sur la Seine. Un dispositif qui assurerait une bonne image marketing mais qui permettrait aussi de recevoir la marchandise au cœur des villes.
Seul bémol, un coût qui n’est pour l’instant pas compétitif face au transport routier. «Les chargeurs ne veulent pas payer plus cher mais si une politique d’aménagement d’infrastructure est mise en place, cela les encouragera », explique le batelier. L’installation de grues pour charger et décharger les bateaux ainsi que l’optimisation des quais serait donc un bon début pour rendre au canal du Midi ses heures de gloire. Et là encore, Jean Marc Samuel veut passer lui-même à l’action : une fois la péniche retapée, il organisera un voyage de reconnaissance des lieux et identifiera directement sur le terrain les besoins des éventuels transporteurs de marchandises. Une autre manière d’avancer vers son but.
Même s’il reconnait « avoir été un peu fou » de se lancer dans cette mission d’ambassadeur du fret fluvial, son travail semble porter ses fruits : « La Région a annoncé vouloir rendre au canal ses infrastructures de transport », assure-t-il. Mais le batelier veut aller encore plus loin et défend un projet transversal, « le canal du Midi n’est qu’un maillon du réseau fluvial français et européen, tous les acteurs politiques doivent se concerter. »
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