Violences verbales, physiques et psychologiques sont le lot quotidien de certains élèves, quel que soit leur âge ou leur niveau d’études. Ce rapport de force, répété sur une longue période à l’encontre d’une victime qui ne peut se défendre, caractérise le harcèlement scolaire. Mais comment faire pour agir, et ne pas laisser un enfant ou un adolescent s’isoler ?
Propos recueillis par Myriam Balavoine
Jean-Michel Pugnière
Psychologue, docteur en psychologie, coordinateur des actions éducatives de l’association CONTACT en Midi-Pyrénées
«Dans le cadre universitaire, j’ai mené à Toulouse une enquête réalisée sur la base d’un questionnaire informatisé auto-administré auquel ont répondu 475 filles et 426 garçons, âgé‑e‑s de 18 à 24 ans. Parmi les questions posées, plusieurs concernaient le harcèlement en milieu scolaire, évalué rétrospectivement. Les résultats confirment l’ampleur du phénomène, notamment dans les collèges où le harcèlement semble particulièrement répandu. Le questionnaire utilisé, issu d’un outil d’évaluation québécois, nous a également permis d’obtenir des données assez précises au sujet des lieux (cours, gymnases, …) où le harcèlement s’exerce le plus souvent et des formes qu’il prend.
Je coordonne également dans notre région les actions de l’association familiale CONTACT, qui intervient notamment en milieu scolaire pour prévenir l’intimidation à caractère homophobe, et plus largement, les phénomènes de violences et de harcèlement. En effet, l’apparence physique, le sexe, l’identité de genre, et l’orientation sexuelle réelle ou supposée, figurent parmi les principales caractéristiques sur lesquelles se fondent le harcèlement en milieu scolaire. Il semble notamment qu’il existe des liens étroits entre ce phénomène et le sexisme, l’homophobie et les rites de virilité. L’association CONTACT propose aussi une nouvelle approche préventive du harcèlement, en abordant ces thèmes dans le cadre de journées de sensibilisation et de formations destinées aux professionnel-le-s de l’Education et aux parents.
De toute évidence, les parents et les familles ont un rôle à jouer dans la prévention du harcèlement en milieu scolaire. Dans cet objectif, j’ai animé un groupe de travail dans le cadre de la commission « Enfance et société » de l’Union Départementale des Associations Familiales qui a organisé le mois dernier un colloque à Toulouse au cours duquel une centaine de parents et professionnel-le-s éducatifs ont pu échanger sur ce thème. »
Florent Henriet
Coordinateur pour l’association médi@ltérité, créée en 2011.
« J’anime des actions de prévention des violences morales dans des établissements scolaires depuis maintenant 11 ans.
Je suis confronté à des problématiques de harcèlement à l’école presque toutes les semaines. Le phénomène n’est pas nouveau. La différence est qu’aujourd’hui, sa portée est augmentée, et les traces qu’il laisse sont devenues publiquement visibles. Internet constitue un de ses outils de prédilection. Il est présent à tous les maillons de la chaîne. Il sert à diffuser la rumeur, à la faire circuler, à se faire valoir, mais aussi parfois à prouver que harcèlement il y a eu. Mais ne nous y trompons pas, internet reste un outil.
Alors lorsque j’anime un débat dans une classe, si j’ai pour objectif de participer à la lutte contre le harcèlement scolaire, je choisis de m’attaquer à ce qui pousse les élèves à en prendre un autre pour cible. Les images, souvent stéréotypées, vues à la télé, sur internet, dans la publicité, tout ce qui vient renforcer, pour un adolescent, l’apprentissage des conduites qu’il faut soi-disant tenir, sont à remettre en question. Ils ont besoin d’accompagnement, d’étayage, d’acquérir des compétences qui les aident à décrypter le monde qui les entoure.
Il me semble qu’il faut aider nos adolescents à faire un bout de chemin, ensemble, de la construction de leurs représentations stéréotypées aux positions prises en groupe au nom du regard de l’autre.
Au sein de l’association médi@ltérité, nous avons fait le choix de construire avec les élèves nos outils pour prévenir le harcèlement. Nous utilisons un court-métrage écrit par les jeunes qui permet au public rencontré de se mettre à la place des autres et d’en comprendre les différences.
Je dirais qu’un des enjeux de la lutte contre le harcèlement scolaire, c’est de permettre à la majorité silencieuse de ne pas le rester. Et pour y parvenir, nous faisons le choix, avec l’école, du dialogue et de l’éducation. »
Commentaires
Mila le 03/10/2024 à 14:05
Bonjour,
Merci pour cet article très intéressant dont le sujet a fait couler d'encre ces derniers jours, notamment avec la mort de la lycéenne. Les établissements scolaires doivent être vigilants et sensibiliser les élèves face aux conséquences de leurs comportements. Au-delà du milieu éducatif, les réseaux sociaux doivent faire avancer leur système de contrôle et accélérer la suppression des profils en cas de harcèlement.