Expéditeur : Stéphane Camin est un journaliste toulousain, et « aujourd’hui encore plus fier de l’être. » Il exerce sur l’antenne de NRJ où vous le retrouvez tous les matins. Fan de rugby, il commente, de temps à autre, l’actualité de l’ovalie sur TLT, tout en étant l’un des fondateurs du club TRC 15.
Destinataire : Charlie Hebdo. En 1969, l’équipe d’Hara-Kiri (Professeur Choron, Cavanna, Cabu etc.) lance le mensuel « Charlie ». Mais la vraie naissance de « Charlie Hebdo », sous sa forme actuelle, date de 1992 sous l’impulsion de Philippe Val et de Cabu. Le 7 janvier 2015, les piliers de la rédaction (Charb, Honoré, Cabu, Wolinski, Tignous, Bernard Maris…) sont victimes d’un attentat.
“Mon cher Charlie,
Notre vie ne sera plus jamais la même, Charlie. Toi, le journal satirique montré du doigt depuis de nombreuses années. Boudé par beaucoup, menacé par certains.
Oui toi, Charlie Hebdo, tu as changé nos vies bien malgré toi. Il aura fallu que l’on prenne cette triste journée du mercredi 07 janvier 2015 dans la figure et qu’arrive ce lâche assassinat de tes dessinateurs et journalistes historiques pour que nous devenions tous Charlie. Quelle ironie du sort. Au bord du dépôt de bilan depuis quelques années, tu seras, ces prochaines semaines, l’un des journaux les plus vendus. À la question, cela devait-il arriver ?
La réponse est cinglante et lapidaire, mais OUI malheureusement.
Le timing de l’Histoire est sans cœur et la population française devait vivre un tel drame aujourd’hui. L’occasion enfin de remettre à plat nos valeurs fondamentales pour lesquelles notre pays a déjà perdu beaucoup de sang. La Liberté, notion que tu défends depuis toujours, Charlie, à corps, à cris et à coups de crayons, de stylos, sans être véritablement entendu. Aujourd’hui c’est chose faite, les enfants et les petits enfants de la République ont répondu présent.
Ils ont ouvert les yeux en prenant en main la suite de l’Histoire.
À leur tour, ils crient haut et fort ton nom « CHARLIE » !
J’ai une image en tête ou plutôt une réflexion de jeune papa.
Ma fille de 14 ans m’a dit jeudi soir en rentrant de son collège de la banlieue toulousaine.
« Tu sais papa, ma prof de Français nous a lu un poème aujourd’hui, elle a fondu en larmes, et ça on ne l’oubliera jamais, tu sais »
Ce poème, c’était celui de Paul Eluard « Liberté ».
« Je vois bien que tu es gêné Charlie par tous ces soutiens »
À ceux qui, parents de jeunes enfants, ne savent pas comment leur expliquer le drame que nous avons tous vécu, reprenez ce vieux poème que l’on nous enseignait sur le banc des écoles, il y a déjà quelques années.
Et lisez-le à vos enfants.
Je vois bien que tu es gêné Charlie par tous ces soutiens de millions de Français, d’anonymes, cela va à contre sens de ce que sont tes dessins, mais accepte-le pour une fois.
Oui tu es devenu un symbole Charlie. Tu sais, les non-dits, les faux semblants, tout a volé en éclat, aussi violemment que l’action impensable de tes exécuteurs surarmés face à tes stylos et ton papier.
Les caricatures satiriques, il en pleut tous les jours désormais et il en pleuvra chaque jour par dizaine, venues du monde entier.
Non Charlie, les kalachnikovs n’ont pas fait pour autant taire les crayons, les feutres, les gouaches de tes dessinateurs disparus, bien au contraire.
Elles ont certainement suscité des vocations, par milliers.
Le flambeau de la dérision ne s’éteindra pas de si tôt.
Après cette tragédie, après le deuil, place à l’action, Charlie.
Nous devons aujourd’hui combattre, debout, pour préserver notre liberté d’expression, notre amour de la moquerie fine ou pas, parce que nous sommes en danger.
Il y aura donc un après 07 janvier 2015, nous sommes en train de le dessiner tous ensemble.
Enfin Charlie surtout n’oublie pas de rester Libre.
Conserve ton indépendance, tes mots et tes traits qui font de toi un journal « irresponsable ».
Charb, Cabu, Wolinsky, Tignous, Honoré et les autres te regardent. »
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