Depuis le 31 décembre 2021, la vente aux consommateurs de feuilles et de fleurs brutes de cannabidiol (CBD) est officiellement interdite, suite à la publication d’un arrêté gouvernemental. Les acteurs de la filière du chanvre en Occitanie ne sont pas tous impactés de la même manière et tentent de tirer parti d’un texte qu’ils jugent à l’unanimité « contre le sens de l’histoire ».
Par un arrêté gouvernemental publié au Journal Officiel le 31 décembre dernier, la vente et la consommation de feuilles et de fleurs brutes chargées en cannabidiol (CBD) sont désormais explicitement interdites. L’État a souhaité ainsi fermer la porte à des interprétations de la loi. Des failles juridiques dont profitaient notamment les gérants de boutiques de CBD, qui ont proliféré un peu partout en Occitanie, pour vendre des fleurs de CBD. A Toulouse, 17 magasins du genre ont pignon sur rue, faisant de la Ville rose la 18e de France en termes d’implantation de points de vente par habitant (0,034 ”shop” pour 1000 âmes), selon une enquête menée par l’agence Flashs pour la société High Society, l’un des leaders du CBD dans l’Hexagone.
Conséquences de cette décision: « Cet arrêté va désormais inciter les forces de l’ordre à agir et à faire appliquer cette politique répressive dans nos magasins. D’un point de vue économique, ce serait un coup dur pour de nombreuses activités: distribution, ventes, investisseurs, entrepreneurs, producteurs… », explique Mao Aoust, président de High Society.
Une inquiétude que ne partage pas Mike Desquiens, gérant de la boutique ”CBD Toulouse”, et des enseignes “Weaders”, dont la vente de fleurs représente pourtant 65% de son chiffre d’affaires. Installé depuis 2018 dans la Ville rose, son ”shop” a déjà été perquisitionné deux fois. Il a bénéficié d’un non-lieu dans l’une des affaires, quand une seconde est toujours en cours. Mais il n’est pas inquiet. Il assure pouvoir poursuivre son commerce, « dans la légalité la plus totale ».
« La loi est désormais claire. Et les précisions qu’elle amène ont toute leur importance », note le jeune gérant. En effet, l’arrêté stipule : « Sont interdites la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation ». Partant du principe que ce qui n’est pas prohibé est autorisé, il s’estime dans son bon droit.
D’abord, « d’après le texte, la possession n’est interdite que pour les consommateurs. Ainsi, une société garde le droit d’en stocker », explique Mike Desquiens. Les boutiques de CBD sont alors prémunies d’une quelconque accusation de détention de stupéfiants, selon son raisonnement. De même, la vente est interdite aux consommateurs. « Mais un client de ma boutique n’est pas forcément consommateur », rétorque le gérant.
En l’état actuel de la loi française, Mike Desquiens estime qu’il n’existe pas plus de risques qu’auparavant, même s’il constate que nombre de ses confrères ont d’ores et déjà retiré les fleurs de CBD de leurs rayons. D’autant que le Conseil constitutionnel a précisé, le 7 janvier dernier, que les produits à base de CBD n’entraient pas dans le champ de la définition des stupéfiants. « Quelle serait alors la mise en accusation des autorités ? » s’interroge le jeune gérant. Faisant remarquer qu’aucune peine ne peut sanctionner une pratique qui n’est pas illégale.
Du côté des producteurs de chanvre, l’Occitanie est finalement peu impactée par l’interdiction de vente de fleurs de CBD. Dans la région, on ne cultive que la graine, pour en faire de l’huile par exemple, et la tige en vue d’une transformation textile. La production réservée au textile représentant une centaine d’hectares par an. Les agriculteurs ne sont donc pas impactés par l’interdiction de vente des fleurs. « Même si quelques-uns l’exploitent », avoue Mathieu Ebbesen-Goudin, président de Virgocoop, incubateur d’entreprises dans la filière du chanvre textile située dans le Lot, « mais cela reste marginal ».
En revanche, même dans cette filière peu concernée, on juge l’arrêté rétrograde. « Ce texte va à l’encontre du sens de l’Histoire. Tous les pays européens libéralisent la pratique, quand la France s’arcboute sur ses positions d’antan », constate Mathieu Ebbesen-Goudin.
Alors, après plusieurs recours juridiques, les acteurs de la filière, dont Mike Desquiens, ont déposé un référé-liberté devant le Conseil d’État pour demander la suspension de l’arrêté polémique. La requête sera examinée ce vendredi 14 janvier.
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