Expectative. Si certaines universités sélectionnent les étudiants à l’entrée en master, le décret les y autorisant n’a jamais vu le jour. Le Conseil d’État vient de le rappeler et l’enseignement supérieur toulousain attend désormais la réaction du gouvernement.
Les universités qui sélectionnent les étudiants à l’entrée en master sont dans l’illégalité. Si le Conseil d’État l’a rappelé dans un avis rendu ce mercredi 10 février, cette situation perdure depuis une loi adoptée en… 1984. Un texte certes amendé depuis, mais dont l’une des dispositions est toujours en vigueur et a d’ailleurs été citée par la plus haute juridiction administrative : «En l’absence de liste fixée par décret, aucune sélection ne peut être mise en place, ni pour l’accès en deuxième cycle (en première année de master), ni au cours du deuxième cycle.»
Les universités toulousaines sont concernées par le sujet. À Jean-Jaurès, le mot d’ordre est d’ailleurs de ne pas s’exprimer ni communiquer la liste des masters ayant recours à cette pratique tant que le ministère de tutelle ne se sera pas positionné. À Paul-Sabatier, les capacités d’accueil peuvent limiter l’accès dans certains domaines. Mais de manière générale, les sciences dites dures sont beaucoup moins touchées par cette problématique. Et à l’inverse, à Toulouse 1 Capitole, tous les masters 2 font l’objet d’une sélection. Pour autant, son président Bruno Sire se félicite de la position du Conseil d’État. «Le ministère de l’Enseignement supérieur est placé devant ses responsabilités. Aucun gouvernement n’a osé s’emparer de cette question en raison notamment de l’opposition des syndicats étudiants», assure-t-il.
« Aucun gouvernement n’a osé s’emparer de la question »
Le sujet est en effet clivant. Mais Bruno Sire assume ses positions. «L’élitisme républicain est un principe de l’école de Jules Ferry. Il signifie que l’on doit dégager une élite sans barrière économique ou sociale, mais avec évidemment la barrière de la connaissance. Interdire la sélection ferait des universités les voitures-balais du système éducatif», estime-t-il. Et d’appuyer en prenant l’exemple du droit notarial : «Nous recevons 600 demandes par an, mais les professionnels ne garantissent qu’une trentaine de places en stage. Nous n’allons pas accueillir des étudiants en sachant qu’ils ne pourront pas valider leur diplôme.» De son côté, le Snesup reste «opposé sur le principe» à la sélection, comme le rappelle son coordinateur régional Xavier Lambert, par ailleurs enseignant-chercheur à l’université Jean-Jaurès. Le syndicaliste reconnaît en revanche la réalité d’un numerus clausus contraint dans certains domaines, mais souhaite veiller à ce qu’il ne devienne pas un prétexte général.
C’est donc désormais au gouvernement de trancher et, le cas échéant, de publier enfin ce décret qui fixera les cursus autorisés à pratiquer une sélection. Une décision dès le printemps éviterait de perturber les procédures d’inscriptions. Bruno Sire espère également que le ministère retiendra la proposition de la Coordination des universités de recherche intensive françaises (Curif). Ce réseau suggère que chaque établissement garantisse un nombre de places en master 1 équivalent au nombre de diplômés en Licence 3. Et idem entre le master 1 et le master 2. Dans ce système, ce sont les dossiers qui dicteraient si l’étudiant peut s’orienter vers son premier choix ou s’il doit se diriger vers un autre master au sein de l’université.
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