DROIT DE PASSAGE. Si les tarifs des péages autoroutiers augmentent ce jeudi 1er février, une autre taxe touchant les automobilistes fait également l’actualité. Dans sa loi sur les mobilités attendue pour le printemps, la ministre des Transports Élisabeth Borne souhaite faciliter la mise en place de péages urbains par les municipalités afin de réduire la pollution, de limiter les embouteillages et d’inciter à l’utilisation des transports en commun. Florian Jutisz, vice-président de l’association 2 Pieds 2 Roues, et Pierre-Olivier Cavey, directeur des études et des campagnes de la Ligue de défense des conducteurs, reviennent sur ce sujet pour le JT.
© Franck Alix
Florian Jutisz : Oui. Le constat est unanime dans la plupart des agglomérations du monde : l’air est pollué, le trafic saturé… 48 000 décès anticipés sont attribués chaque année en France à la pollution, dont l’automobile est le premier facteur. Il faut donc trouver des leviers pour inciter les gens à utiliser d’autres modes de déplacement.
Pierre-Olivier Cavey : Non. Le système n’est pas nouveau et remonte même au Moyen-Âge. À l’époque, l’octroi frappait les marchandises et les personnes à l’entrée des grandes villes. Le principal risque est la gentrification, l’entre-soi. L’accès au centre-ville va être coupé pour toute une partie de la population aux moyens financiers limités. L’impact sera donc social, si l’on pense par exemple à ceux souhaitant simplement emmener leurs enfants à l’école, mais aussi économique, puisque les commerces urbains seront privés d’un segment de leur clientèle.
Florian Jutisz : Construire de nouvelles routes ne fonctionne pas. Si cela désengorge potentiellement le trafic à court terme, un appel d’air se crée rapidement. Ces axes de circulation encouragent l’urbanisation, génératrice de futurs embouteillages. En revanche, si des péages sont installés, les recettes devraient servir au développement des transports en commun et des modes de déplacement doux. Dans une ville comme Toulouse, cette manne représenterait plusieurs centaines de millions d’euros par an.
Pierre-Olivier Cavey : Après la vignette Crit’Air, qui pénalise les conducteurs n’ayant pas les moyens de posséder un véhicule récent en cas de pic de pollution, ces péages ciblent encore et toujours les mêmes personnes. À Londres, qui a instauré le système en 2003, il faut s’acquitter de 10 £ (environ 11 €, ndlr) à chaque passage. L’efficacité de la mesure n’a pas été démontrée. Certes, le trafic a d’abord baissé de 16 %, mais une densification a de nouveau été constatée ensuite car les gens sont tout de même forcés de se rendre en ville.
Florian Jutisz : Nous sommes porteurs d’un concept novateur, la contribution routière urbaine. À l’intérieur d’une zone définie, qui pourrait s’étendre à terme à toute l’agglomération, il faudrait s’acquitter du prix d’un ticket de métro pour se déplacer en voiture. Comme pour les transports, ce forfait serait valable une heure et demie, à la suite de quoi il faudrait payer à nouveau. Les technologies à disposition, à commencer par la vidéosurveillance, doivent permettre l’application du dispositif.
Pierre-Olivier Cavey : Nous proposons un changement de méthode : pour s’attaquer aux problèmes de circulation, il convient de commencer par la mobilité et les transports. Toulouse et de nombreuses grandes villes ont encore besoin d’étoffer leur réseau. Une fois cette étape franchie, il sera plus facile de sensibiliser les automobilistes, de leur présenter les alternatives à l’usage de la voiture. C’est en responsabilisant les conducteurs que leurs habitudes pourront se transformer, pas en les réprimant.
> Florian Jutisz
Vice-président de l’association toulousaine 2 Pieds 2 Roues, qui milite en faveur du développement des modes de déplacement doux et des transports en commun.> Pierre-Olivier Cavey
Directeur des études et des campagnes de la Ligue de défense des conducteurs, association nationale qui encourage la conduite responsable et décrypte l’information pour les automobilistes.
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