Vous nโavez jamais rencontrรฉ un sourd mรฉlomane, danseur, bavard comme une pie ou scotchรฉ ร son tรฉlรฉphone portable ? Alors vous ne connaissez pas vraiment la ville rose ! Grรขce ร un cursus scolaire complรจtement bilingue franรงais/LSF et de nombreuses initiatives et associations, Toulouse est une ville ou lโaudisme, la discrimination ร lโencontre des sourds, est moins perceptible. Du 14 au 22 septembre, la Semaine Mondiale des Sourds est lโoccasion de faire tomber les derniers prรฉjugรฉs envers une communautรฉ qui sโillustre par son dynamisme et son appรฉtit de rencontre.
Lโinterdiction a durรฉ prรจs de 100 ans ! En 1880, ร lโoccasion du congrรจs de Milan, les partisans de la mรฉthode dite oraliste dรฉcrรฉtaient que les sourds devaient apprendre ร parler pour sโintรฉgrer dans la sociรฉtรฉ et bannissaient la langue des signes de lโenseignement. Cโest dire le retard pris en la matiรจre. ยซ Il est indรฉniable quโil y a eu de rรฉels progrรจs ces 20 derniรจres annรฉes mais les barriรจres sont encore nombreuses et les avancรฉes sont arrachรฉes de haute lutte ยป, note Pauline Stroesser, journaliste et rรฉalisatrice sourde, chargรฉe de presse de SignโAgora, un collectif dโentreprises et dโassociations toulousaines ลuvrant pour la valorisation des personnes sourdes.
Lโaccรจs aux mรฉdias, par exemple, gรฉnรจre de la frustration, ainsi que toute dรฉmarche relevant de la vie administrative. Mais pour Pauline Stroesser, le vรฉritable obstacle reste lโรฉducationย : ยซย Seules deux villes, dont Toulouse, proposent un enseignement bilingue de la maternelle au lycรฉe. Quant aux รฉtudes supรฉrieures, si la loi handicap de 2005 est censรฉe permettre un meilleur accรจs, il est encore trรจs difficile de pouvoir bรฉnรฉficier dโinterprรจtes. Enfin, il est regrettable que les cours de langue des signes pour les parents dโenfants sourds ne soient pas pris en chargeย ยป.
A Toulouse, en tout cas, les signants ne sont plus des objets de curiositรฉ. La commune est souvent citรฉe comme exemple dโintรฉgration. ยซย On peut dire que Toulouse fait partie des villes oรน il est plus aisรฉ de vivre pour des personnes sourdes, mรชme si dโautres collectivitรฉs sont de plus en plus actives. Ce sont des citoyens qui participent pleinement ร la vie culturelle et รฉconomiqueย ยป, confirme Christophe Alves, adjoint en charge du handicap, rappelant les initiatives municipalesย : des cabines tรฉlรฉphoniques gratuites qui traduisent en LSF, des รฉvรฉnements accessibles, des visites interprรฉtรฉes, la mise en place d’accompagnants de vie et de loisirs (AVL) dans les CLAE…
Une tradition dโaccueil qui trouve son origine dans les annรฉes 1980 durant lesquelles un noyau dโacteurs sociaux toulousains a รฉtรฉ ร la pointe du combat pour le renouveau de la langue des signes. La ville hรฉbergeait alors le siรจge de lโassociation Deux langues pour une รฉducationet a รฉtรฉ la premiรจre ร voir apparaรฎtre des classes en langue des signes, dโabord de maniรจre sauvage avant dโรชtre officiellement reconnues par lโรducation nationale. De nombreuses familles se sont alors installรฉes ร Toulouse pour y inscrire leurs enfants sourds et beaucoup dโassociations, encore en activitรฉ, ont vu le jour ร cette รฉpoque. ยซย Aujourdโhui, cette histoire et tout ce qui a รฉtรฉ crรฉรฉ ici continuent dโattirer beaucoup de sourdsย ยป, prรฉcise Pauline Stroesser. Toute une gรฉnรฉration entretient ainsi ce dynamisme et de nouvelles initiatives รฉmergent constammentย : ici une formation universitaire autour du thรฉรขtre, lร une permanence juridique gratuite en LSF ouverte tout rรฉcemment.
Une vรฉritable culture qui sโรฉtend ร toute la ville selon la journalisteย : ยซ Du fait de cette forte prรฉsence, les habitants sont davantage sensibilisรฉs. Dans les commerces, les lieux artistiques ou les bars, les gens ont plus souvent des bases de LSF et savent rรฉagir contrairement ร dโautres communes. De maniรจre gรฉnรฉrale, nous nous sentons mieux acceptรฉs ร Toulouse qu’ailleurs.ย ยป
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