La scop Interprétis regroupe une trentaine d’interprètes professionnels qui interviennent dans des situations très diverses : milieu médical, procédures juridiques ou activités pédagogiques. Aujourd’hui, Caroline Mourgues a été contactée par la Cité de l’espace pour traduire des animations scientifiques. Il va falloir signer vide spatial, impesanteur et satellisation !
La Cité de l’espace vient à peine d’ouvrir ses portes que, déjà, des touristes se pressent dans le hall d’entrée. Flottant au-dessus du brouhaha, un écran diffuse la vidéo d’un interprète souhaitant la bienvenue en langue des signes française (LSF) au public sourd et malentendant. Boucles magnétiques, projections de films avec une version en LSF, vidéos sous-titrées… Les dispositifs d’accessibilité sont de plus en plus nombreux. Et ce matin, l’incontournable site dédié à l’espace et l’astronomie propose, gratuitement et sur inscription, des animations traduites en LSF.
Depuis 10h45, Caroline Mourgues, l’interprète professionnelle envoyée par Interprétis, une scop spécialisée dans l’interprétariat français-LSF, guette l’arrivée de l’unique personne inscrite sur sa liste. « C’est très variable. La semaine dernière, nous avons eu une dizaine de réservations alors que certains jeudis, il n’y a aucune demande », regrette Chantal Leloup, chargée de l’accessibilité à la Cité de l’espace. Soudain, notre interprète s’élance. Elle a repéré dans la file une femme qui tente de se faire comprendre au guichet. Quelques minutes plus tard, Nadine Manin, arrivée de Poitiers pour voir sa fille, est prête à démarrer la visite. « C’est un vrai plaisir quand il y a des traductions, même si c’est dommage de ne pas pouvoir venir n’importe quel jour. Selon les musées, il faut s’adapter. Certains lieux proposent même des tablettes avec des vidéos de présentation en LSF. Ça nous permet d’être autonomes », témoigne-t-elle avant de pousser le portillon d’accès aux expositions.
« Sans la présence d’un interprète, il n’y aurait aucun intérêt ! »
Le tour débute par la projection d’une courte vidéo où l’astronaute star Thomas Pesquet présente les expériences menées à bord de la station spatiale internationale. L’index qui s’élance vers le ciel pour désigner une fusée ou un poing fermé sur la paume de la main pour exprimer la pression atmosphérique… Certains signes sont évocateurs et, même sans connaître la LSF, on est tenté de suivre la chorégraphie poétique des explications. « Quand nous sommes sollicités dans des domaines techniques et scientifiques, nous préparons nos interventions. Pour cela, la Cité de l’espace nous a envoyé un déroulé des ateliers avec l’essentiel du contenu. Au sein d’Interprétis, nous avons même mis en place des groupes de veille linguistique afin de garantir l’homogénéité de nos traductions. Dans ce cas, il n’y a pas de difficulté particulière car c’est du vocabulaire scientifique de base », confie l’interprète. C‘est maintenant au tour d’un animateur de réaliser quelques expériences en direct. Avec une cloche en verre ou un verre d’eau que l’on peut retourner sans que son contenant ne s’écoule, l’intervenant démontre les propriétés fondamentales du vide et de la pression atmosphérique. « J’ai apprécié cette conférence avec les expériences. Surtout celle du verre ! Je vais essayer de la reproduire à la maison », s’enthousiasme Nadine Manin.
« Des groupes de veille linguistique afin de garantir l’homogénéité des traductions »
À peine le temps de digérer toutes ces informations que démarre, dans la salle des défis, le moment fort de cette exposition dédiée à la vie des astronautes dans l’espace. Par petits groupes, les visiteurs se glissent dans la peau de ces scientifiques de l’extrême. Chaussés d’une paire de lunettes prismatiques qui simulent la perte de coordination causée par l’impesanteur, les apprentis astronautes tentent de trouver la sortie de labyrinthes. À chaque table, on s’interpelle et l’on se guide de la voix… Autour de Nadine, ses voisins essaient de l’aiguiller à grand renfort de gestes. Se brosser les dents sans eau, préparer un repas spatial ou reproduire la formation des alliages dans l’espace, les épreuves se succèdent, ponctuées de sourires bienveillants et de gestes encourageants. « Heureusement que l’interprète était là, sinon on ne s’en serait pas sortis. Même avec la traduction, on avait parfois du mal à se mettre d’accord. J’avais vraiment l’impression d’être dans l’espace où l’on ne peut pas s’entendre à cause du vide », s’amuse Bastien, l’un des coéquipiers du jour.
Au bout d’une heure et demie, le rôle de l’interprète prend fin avec la dernière animation. « Cela m’a permis d’en profiter au maximum. Sinon, je serais rentrée directement chez moi, il n’y a aucun intérêt ! » assure Nadine Manin qui veut encore faire le tour du parc à la recherche de l’imposante réplique d’Ariane et du module de la station MIR. Pour la suite de la visite, elle pourra toujours consulter les vidéos doublées en langue des signes, lire les innombrables planches explicatives qui jalonnent l’exposition ou profiter des projections en LSF au planétarium.
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