AU RAPPORT. « Ça n’arrive qu’aux autres. » « J’ai confiance en lui ou en elle. » « Je préfère ne pas mettre de préservatif, ça diminue le plaisir. » Les excuses pour ne pas se protéger font de la résistance. Malgré un système de santé réputé pour sa performance et des années de campagnes de prévention, la France ne parvient pas à se débarrasser du VIH. À l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, le JT a interrogé des experts en santé publique et en prévention qui donnent leurs pistes pour sonner la charge contre le virus.
Depuis sa découverte en 1983, il plie mais ne rompt pas. Le sida affecte encore de nombreuses personnes en France. C’est ce que montrent les dernières données publiées ce 28 novembre par l’agence nationale Santé publique France à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le virus.
En 2016, le nombre de détections de séropositivité au VIH est estimé à environ 6 000, soit une diminution de 5% par rapport à 2013. Un chiffre global qui cache des disparités selon les populations. Entre 2013 et 2016, ce chiffre continue de baisser chez les hétérosexuels (3 200 diagnostics en 2016), surtout chez les hommes, qu’ils soient nés en France ou à l’étranger. Par contre, le nombre de découvertes reste stable pour les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (2 600 en 2016).
Santé publique France relève par ailleurs qu’entre 2013 et 2016, aucune diminution significative du nombre de découvertes de séropositivité n’est observée par “grande” région. Ce que confirme Cyril Rousseau, médecin épidémiologiste à la cellule de l’Institut de veille sanitaire en Occitanie : « En ce qui concerne le taux d’infection par habitant, l’Occitanie fait partie des régions métropolitaines les plus touchées par le VIH hors Île-de-France. 400 infections par an y sont diagnostiquées en moyenne. » Les disparités en termes de populations atteintes et observées au niveau national se déclinent aussi à l’échelle locale. « L’agglomération toulousaine est plus concernée par les contaminations de personnes migrantes alors que celle de Montpellier l’est davantage par celles des hommes ayant des rapports avec des hommes. »
Pourquoi, alors que les moyens de lutte se multiplient, ne vient-on pas à bout de l’épidémie ? Le médecin avance plusieurs hypothèses. La vigilance a notamment tendance à décroître lors des rapports sexuels. « Des études d’observation des comportements montrent que, depuis 20 ans, l’utilisation du préservatif baisse dans toutes les catégories de populations », selon Cyril Rousseau. Selon le professionnel, l’arrivée des trithérapies a eu un effet paradoxal. « On constate les mêmes mécanismes que pour la défiance vis-à-vis des vaccins. Les traitements ont révolutionné la prévention car le sida n’est plus apparu aux yeux du grand public comme une question de vie ou de mort. »
L’enjeu est donc, selon Cyril Rousseau, de poursuivre la tendance déjà observée de diversifier la prévention pour l’adapter à différents publics. Pour les populations à haut risque comme certains hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes ou pour les prostitué(e)s, la prophylaxie préexposition (Prep), un médicament préventif des contaminations, commence à faire ses preuves. Des essais cliniques réalisés en Angleterre, en France et au Canada montrent que la Prep a une efficacité théorique très similaire à celle du préservatif (proche de 90%). « Ce mode de prévention est efficace pour protéger d’une transmission du VIH. En revanche elle ne protège pas d’autres maladies comme la syphilis », précise Cyril Rousseau.
L’enjeu est également de venir à bout de “l’épidémie cachée”, c’est-à-dire les personnes séropositives sans le savoir. En France, elles seraient 25 000 dans ce cas. Or, indique le médecin, « un diagnostic précoce permet de mettre en place un traitement et donc d’éviter de nouvelles contaminations. »
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