Conflit. Le parvis du Conseil général est occupé par des contestataires de la nouvelle ligne tracée par Pierre Izard. Pour eux, ce dernier oublie ses fondamentaux en matière de politique sociale. Hussein en est un exemple.
Par Julien Davenne
Il ne savait rien de l’article 222-5 du code de l’action sociale et des familles, rien du Conseil général de la Haute-Garonne, rien de son Président. Pourtant, Hussein se retrouve aujourd’hui à répondre aux questions, à expliquer son parcours, à participer avec les travailleurs sociaux à l’action qui a peut-être fait perdre la mesure des choses à Pierre Izard. Le 11 septembre face à une menace demeurée ésotérique, le Président du Conseil général a décidé de mettre en congés forcés pour deux jours les 2500 agents du Conseil général. La décision de Pierre Izard d’abandonner la prise en charge et l’accompagnement des jeunes majeurs étrangers isolés est venue frapper Hussein comme un coup bas, comme une sanction. “Pourtant, dit-il, nous avions un contrat et je l’ai respecté mais le Président change la règle, comme ça”. Dans un français précis et riche, il explique son parcours, mais ne veut pas s’appesantir sur le passé. C’est à mots couverts, sans détails ni fioritures, qu’il évoque le long voyage qui, du Bengladesh via l’Italie, l’a mené à Toulouse. D’ailleurs, c’est à Paris qu’il croyait être et c’est au commissariat que ce gamin de 16 ans et demi a appris que non, il ne verrait pas la Tour Effel, mais la Garonne, le Capitole et, pour commencer, le centre d’accueil Enfance et Famille. Deux ans après son arrivée en France, Hussein a cheminé. Apprentissage de la langue, découverte des pratiques administratives, formations, stages, il raconte. La peur, la solitude, le manque, oui, peut-être, mais le renoncement, jamais. S’il explique que les six premiers mois il pleurait tout le temps et qu’aujourd’hui encore il n’est pas rassuré, c’est avec la détermination de celui qui veut. Hussein, c’est un combattant, un homme seul qui compte sur lui, sur ses mains et sur ses pieds, parce que, dit-il, “même si je n’ai plus rien, je pourrais toujours m’appuyer sur eux“.
« Deux tickets pour aller chez Flunch »
Son parcours, il ne le considère que devant lui sans se retourner sur son passé. Il ne veut aller que de l’avant, se projeter non dans le rêve, mais dans le futur. Pour cela, il a un projet, mais il n’a plus de contrat. Sa formation n’est pas terminée, pourtant, il est bien noté, et veut par dessus tout décrocher son CAP dans la restauration. Mais la décision d’Izard ne passe pas, alors, il se questionne. “A quoi a-t-il pensé en décidant de nous traiter comme ça ? Il veut nous mettre à l’hôtel en nous donnant deux tickets pour aller chez Flunch ? Mais comment on va vivre, manger, quelle garantie on aura, et quel accompagnement ?” Les yeux noirs s’assombrissent encore et si une ombre passe sur le beau visage grave, il la chasse avant de poursuivre. “Si j’avais su tout ça, j’aurais peut-être fait autrement, travaillé au noir, vécu à 11 dans une chambre et après, on tape où ? On devient SDF ?” Au travers des propos d’Hussein, transparait le travail engagé par ces mêmes travailleurs sociaux qui campent devant le Conseil général. Des éducateurs qui l’accompagnent depuis deux ans, il dit avoir “un grand respect” et, dans un étonnant renversement des situations, il ajoute que pour eux aussi, “c’est compliqué de trouver un boulot, de louer un appartement, mais ce sont des personnes qui se donnent la possibilité de t’aider de devenir un adulte, un homme”. Finir sa formation, avoir des papiers en faisant des efforts et en se donnant les moyens, c’est la volonté d’Hussein. Si la décision de Pierre Izard vient troubler la perspective, pas certain qu’elle entrave le projet. Dans un soupir et un sourire, il conclut : “Depuis que je suis arrivé, j’ai fait un gros travail, je suis devenu quelqu’un, je suis une personne“.
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