Aéroport : Conseil constitutionnel et crash de campagne
Pressions. La lutte contre la privatisation de l’aéroport se durcit. Il faut dire que les élections départementales ont permis de jouer du précieux levier politique.
Par Aurélie Renne et Philipe Motta
Les opposants à la vente de l’aéroport en ont encore sous la semelle. Et pour preuve cette QPC (question prioritaire de constitutionnalité) déposée jeudi dernier qui doit déterminer si la vente au consortium chinois Symbiose, de 49,99% de l’aéroport, est anticonstitutionnelle. «Un monopole de cette ampleur doit rester propriété de l’État français et non de l’État chinois. Loin de la privatisation c’est en fait une nationalisation au profit d’un pays étranger », indique Christophe Leguevaque, avocat du collectif. Une procédure qui « pourrait faire interdire la privatisation de tous les grands aéroports français ». Toutefois, « La QPC n’est qu’accessoire, si on la perd il reste les arguments du recours de décembre ainsi qu’une deuxième salve de procédures qui concernent le pacte d’actionnaires, car nous voulons démontrer qu’il est nul. » ajoute-t-il. Des procédures qui promettent quelques longueurs mais qui font néanmoins peser « une épée de Damoclès voire une bombe atomique au-dessus de la tête du consortium chinois », explique l’avocat « car il existe un risque juridique sévère ».
Je t’aime moi non plus
En attendant un signe du conseil constitutionnel, le collectif ne dépose pas les armes et prépare un happening sur le lieu même du crime : un mariage des plus symbolique entre ATB* et Symbiose le 11 avril à 10h30. Quelque 15000 cartes postales sont par ailleurs en passe d’être expédiées au chef de l’Etat afin que ce dernier n’oublie pas l’enjeu en cours. Car le silence souverain et parfois méprisant des élus n’est pas fatalement signe d’amnésie importune. Pour preuve, à Toulouse, les élus de tout bord se sont soudain rappelé que la privatisation de l’aéroport de Toulouse-Blagnac faisait des mécontents à Toulouse. On constate d’ailleurs que le réveil de certains édiles entre en curieuse percussion avec les élections départementales. Le premier à dégainer a été le conseil général qui a voté, avant les élections, une espèce de motion de défiance à l’égard de cette privatisation, sans toutefois rejoindre les opposants au projet qui ont déposé des recours en justice. Le conseil régional a pris la relève le 17 mars, en annonçant « mettre la question à l’ordre du jour de la prochaine assemblée plénière », soit le 7 avril. Le pompon de la prise de pied dans le tapis revient à l’UMP, qui a incité ses candidats à user d’un argument de campagne assez pernicieux : « voter PS, c’est être favorable à la privatisation de l’aéroport », développaient en substance les candidats. Chantal Veer Demander, présidente du Collectif Unitaire, s’est ruée sur La Dépêche pour faire tomber le faux-nez de la droite : « Jean-Luc Moudenc n’a jamais accepté la discussion sur ce sujet », plaide-t-elle (La Dépêche du 27 mars). Pas tout à fait vrai. Rappelons que Jean-Luc Moudenc avait été le seul à réagir aux questions que nous avions posées à l’ensemble des têtes d’affiche locales. La Région et le Département avaient observé un mutisme fracassant alors que le maire de Toulouse avait fait valoir que toute suspicion relevait d’une « attaque contre Emmanuel Macron » lequel était « la cible d’une presse à sensation », incarnée par Médiapart. C’est le même qui, le 27 mars, avant-veille du second tour a fait savoir qu’il envisageait de porter la question devant le conseil communautaire du 10 avril. « De qui se moque-t-on ? », s’interroge le Collectif Unitaire qui a vu dans cette acrobatie un piètre piège à électeurs. Quel mauvais esprit.
*Aéroport de Toulouse Blagnac.