CHALEUR – Depuis trois ans, cette association toulousaine met à la disposition des personnes sans-abris et précaires une salle de bain itinérante installée dans un camping-car. Une parenthèse qui leur permet de retrouver intimité et dignité.
® Franck AlixPlace Héraclès, un mardi soir du mois d’octobre. Le square, plutôt vide en journée, prend un autre visage à la nuit tombée. Une centaine de personnes font la queue derrière une camionnette des Restos du Cœur pour la distribution des repas du soir. Alors que des hommes de tous âges mais aussi des familles récupèrent leur plat chaud, un groupe d’étudiants adoucit l’atmosphère en jouant de la musique.
Au fond de la place, le camping-car blanc du Camion Douche est déjà garé. Une petite dizaine de bénévoles s’activent avec réservoirs d’eau ou serpillières à la main. Il est 19 heures, l’heure d’ouvrir, d’accueillir les personnes sans-abris. Plusieurs d’entre elles font déjà la queue. Ici, elles vont pouvoir prendre une douche gratuitement, faire leur toilette et enfiler des vêtements propres mis à leur disposition.
À l’intérieur, le ballet est bien rodé. L’espace est exigu, mais on y trouve tout le nécessaire. « Les habits sont rangés par taille et par sexe », explique Josette, une des bénévoles. Dans de petits placards en hauteur, des mousses à raser, des serviettes hygiéniques et tampons pour les femmes. En face de l’entrée, des savonnettes, des rasoirs et des brosses à dents. Tout provient de dons de particuliers ou du Secours populaire. « Pendant que nous nettoyons, les bénéficiaires tirent un rideau afin de s’isoler », poursuit la bénévole.
Ce soir, Lucie* a fait en sorte d’arriver la première. Après quelques minutes, elle sort de la caravane avec le sourire, tirée à quatre épingles et exhalant un parfum de savon. « Et j’ai même trouvé un pull », dit-elle en fermant les boutons de l’épais gilet. Dans le foyer d’accueil pour femmes dans lequel elle vit avec son fils, elle n’aime pas utiliser les sanitaires. « Ce n’est pas toujours très propre, on ne sait pas ce qu’on peut attraper. Je suis quelqu’un d’assez maniaque. Ici, je suis sûre de la propreté », confie-t-elle. « On nettoie et on désinfecte la douche après chaque passage », confirme Anne-Marie, chargée ce soir de cette tâche. « On change également le tapis de pieds ». Les serviettes usagées sont mises dans un panier à linge et une bénévole viendra les récupérer pour les laver en machine.
Au fil de la soirée, les bénéficiaires vont et viennent, papillonnent entre la distribution du repas et le camion. Certains sont là pour se laver, d’autres simplement pour prendre des vêtements ou des produits d’hygiène. Et il y a les habitués. Comme Lucie, qui vient à toutes les sorties du Camion Douche, le mardi place Héraclès, le jeudi au Secours populaire où un deuxième véhicule a été installé grâce à une campagne de financement participatif, ou le dimanche place du Salin. Mais aussi Franck qui vit dans la rue depuis 15 ans et se fait un point d’honneur à se laver tous les jours. « Je viens dès que je peux. À La Grave ou au Ramier (l’accueil santé social et le centre social, ndlr), on est les uns à côté des autres, les douches sont collectives. Ici j’ai mon intimité. Je trouve également des vêtements et des brosses pour mes cheveux ».
L’initiative du Camion Douche a germé en 2014 dans la tête d’Héloïse et Jérôme Brière, un duo père-fille engagé depuis plusieurs années dans le milieu associatif toulousain. « On avait d’abord envie de proposer une cantine solidaire. Puis, j’ai connu le Mobil’douche à Paris », explique la jeune femme. « En ayant fait le tour des différents organismes de solidarité, on s’est rendu compte que les douches publiques peuvent s’avérer contraignantes. Certaines demandent d’amener sa serviette, d’autres de débourser un euro, et cela nécessite pour certains sans-abris de traverser toute la ville. Avec le Camion Douche, on a voulu aller au devant des personnes à la rue et coller à leurs besoins. »
Quand les températures sont trop froides, le camping-car reste au garage. « Les sans-abris nous ont dit d’eux-mêmes que ce n’était pas la peine de venir, quand ils sortent avec les cheveux mouillés, il fait trop froid pour eux », explique Michel un bénévole.
Pour l’heure, elle permet d’offrir une dizaine de douches, trois fois par semaine. « Quand on sait qu’il y a 4 000 SDF à Toulouse, ce n’est pas grand-chose », glisse Michel. « Parfois, certains viennent nous voir pour nous dire qu’ils ont trouvé un boulot ou un appartement. On aimerait que ça arrive plus souvent. »
Que donner au Camion Douche ?
Les élans de solidarité vis-à-vis de cette initiative ne manquent pas, mais certains objets sont plus demandés que d’autres. L’association a notamment besoin de vêtements pour les hommes : des tricots de peau, des sous-vêtements et des chaussettes. Mais aussi des sacs à dos. Elle recherche également des chauffeurs pour conduire le camping-car et un local pour regrouper tout son matériel.
Commentaires