Installées sur un terrain municipal conventionné, aux abords du lac de Sesquières, 11 familles roms attendent encore un logement pérenne. Pour y prétendre, elles doivent impérativement justifier d’un revenu fixe et donc travailler. Pour les accompagner dans cette voie, l’association Avec a été mandatée par la mairie de Toulouse.
Il est 10h30 quand Sarah Barrière gare sa voiture sur un parking en terre situé à proximité du lac de Sesquières. Pourtant bondé de véhicules, le lieu est calme. Elle se dirige vers le fond et franchit une butte poussiéreuse. Là, sur un espace caillouteux, sont posés une dizaine de mobil-homes en cercle.
« Bonjour », lance-t-elle à la volée. S’installe un court silence avant que plusieurs voix ne lui répondent. Samir sort de son habitat de fortune, imité par sa femme et deux de ses enfants. Du baraquement qui lui fait face, Adriana montre le bout de son nez par la porte. Puis Marius fait irruption de l’arrière d’une camionnette dans laquelle il est affairé à charger de la ferraille. Ici, Sarah Barrière connaît tout le monde puisque c’est elle – avec sa collègue Farida Aouladomar – qui suit les 25 Roms encore présents dans ce campement.
Via leur association Avec, elles accompagnent des personnes en situation de vulnérabilité pour faciliter l’accès aux droits communs : emploi, formation, éducation, santé, habitat et culture. Depuis 2015, elles gèrent le camp du chemin du Pont Rupé, sous mandat de la mairie de Toulouse, dans le cadre d’un dispositif d’insertion par le travail et le logement. La plupart des 85 Roms présents à l’époque ont été hébergés, mais 11 familles restent encore sur place. « Pour prétendre à un logement social, il faut justifier d’un revenu fixe. Pour ces gens, ce n’est pas le cas », précise Sarah Barrière.
Mais à peine a-t-elle entamé son explication que Marius l’interrompt d’un ton directif, une carte bleue et un papier à la main. « Il faut que tu appelles tout de suite la Caf pour leur dire qu’ils ont payé sur un compte qui est fermé. Il faut leur donner le numéro du nouveau compte », s’écrit-il. Prise de cours, la coordinatrice de l’association finit par lui répondre : « Pourquoi tu ne vas pas toi-même à la Caf pour leur dire ? » Après quelques secondes de réflexion, il rétorque : « Ah oui ! » et s’en retourne au tri de sa ferraille.
« Je leur explique ce à quoi ils ont droit et leur précise également leurs devoirs »
20 heures par semaine, Sarah Barrière consacre l’essentiel de son temps à guider les Roms dont elle s’occupe vers l’autonomie, tant en termes financiers qu’administratifs. « Je les aide à s’inscrire à Pôle emploi, leur explique ce à quoi ils ont droit, et leur précise également leurs devoirs », énumère-t-elle, appuyant principalement sur l’importance de trouver un travail. « Seul un emploi vous permettra d’accéder à un logement ou de débloquer des prestations sociales. Sans cela, vous ne pourrez même pas percevoir le RSA. » Pour y prétendre, il est nécessaire qu’au moins un membre du foyer ait un contrat durable d’un minimum de 15 heures par semaine.
« Seul un travail vous permettra d’accéder à un logement »
Mais l’acquisition des codes sociaux qui lèveront les freins à cet emploi tant espéré reste difficile. « Il faut leur expliquer les règles du vouvoiement par exemple, ou encore leur apprendre à accepter de subir un entretien d’embauche, et à le mener. Pour eux, c’est compliqué », constate Sarah Barrière. Sans compter l’apprentissage de la langue. « La plupart estiment qu’ils n’ont pas besoin de parler français pour balayer dans le métro ou faire des ménages », observe-t-elle, précisant que, pour beaucoup, il s’agit d’une perte de temps : « Ils sont dans l’urgence permanente et ne perçoivent pas l’investissement à long terme. »
Alexandra, la femme de Samir, se débrouille en la matière et attend un rendez-vous important vendredi prochain pour un travail. Dans le cadre du Plan local pour l’insertion et l’emploi (Plie), elle pourrait enfin décrocher le sésame qui permettrait à sa famille de prétendre à un logement. Car les cachets de Samir, chanteur, ne suffisent pas. Un parcours semé d’embûches pour cette population, souvent illettrée. « Comment s’actualiser à Pôle emploi quand on n’a pas Internet, ou répondre à une annonce quand on ne sait pas lire ni écrire ? », interroge Sarah Barrière.
D’où l’importance de les sensibiliser à la scolarisation des enfants. D’ailleurs, la coordinatrice de l’association rappelle à Alexandra que sa fille vient d’avoir 3 ans : « Vous devez inscrire Stéfania à l’école d’ici la fin de l’année. C’est obligatoire ! » Mais l’information n’a que peu d’intérêt au premier abord. « Je te le redirai », lance alors Sarah Barrière pour s’assurer que la petite fille soit bien scolarisée, tout comme les cinq mineurs présents sur le camp. Quand ce sera le cas, sa sœur Cerasela, 16 ans, qui a dû arrêter son cursus pour la garder, pourra reprendre une formation. « Pourquoi pas dans la coiffure ! », commente la jeune fille, assise sur le canapé familial, posé dehors, devant le mobil-home. Ouvrant ainsi une perspective positive. « C’est le but ultime de toute notre action auprès d’eux », conclut la coordinatrice de l’association Avec.
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