Alors que la polémique enfle sur l’efficacité des aides sociales, le nombre de personnes en difficulté financière continue toujours d’augmenter, y compris en Occitanie. Pour tenter d’y faire face, les associations déploient toute leur ingéniosité à construire des dispositifs souples et ouverts permettant d’accueillir les plus démunis.
Mi-juin, l’INSEE Occitanie a publié son tableau de bord annuel sur l’état de la pauvreté en Occitanie. La région est sur le podium français en ce qui concerne le taux de chômage (12%) et le nombre d’allocataires de minima sociaux. Ainsi, 418 000 personnes touchaient au moins l’une des aides suivantes : RSA, allocation adulte handicapé, ASS (chômeurs en fin de droits) et minimum vieillesse. Au total, sur l’ensemble de la région, un quart de la population de moins de 65 ans, soit plus d’un million de personnes se trouvent en situation de précarité financière, sans que leurs ressources cumulées ne dépassent pas le seuil de pauvreté*.
À ce tableau s’ajoutent de fortes disparités territoriales comme le souligne Carole Moretti, directrice adjointe au service des études et diffusion de l’INSEE Occitanie : « On découvre des territoires très concernés à la fois par un chômage et une pauvreté forte dans un axe allant d’Alès à Saint-Girons. » Mais, même en Haute-Garonne, « on trouve des poches de pauvreté, soit plus rurale, entre Saint-Gaudens et l’agglomération toulousaine, soit urbaine, dans les 15 quartiers prioritaires », ajoute Catherine Sourd, sa collègue de la division études sociales, qui a dirigé l’étude.
Particularité de la région Occitanie, les écarts de revenus sont particulièrement élevés, avec une redistribution plus importante qu’à l’échelle nationale observe Carole Moretti : « Si l’on regarde les écarts de revenus avant puis après impôts et redistribution (toutes aides confondues), les inégalités sont réduites de 43,5 %. »
Mais ces études statistiques ne permettent pas toujours de saisir les réalités concrètes de la pauvreté, souvent un cumul de difficultés : financière bien sûr, mais aussi sociale et affective avec des situations d’isolement et d’abandon. Les premiers à en témoigner sont les multiples associations qui travaillent au côté des grands précaires de l’agglomération toulousaine et mettent en garde contre toute baisse des budgets de l’État qui serait « dramatique pour les personnes à la rue ». Depuis 12 ans, un collectif inter-associatif a ouvert dans la ville une halte de nuit, aujourd’hui gérée par les travailleurs sociaux de l’Association des cités du Secours catholique.
Concrètement, explique Anne Barreda, directrice locale de l’ACSC, « la halte est un lieu qui permet d’accueillir les personnes que les bénévoles des diverses associations (Médecins du Monde, Secours Catholique, Groupe Amitié Fraternelle, Emmaüs) rencontrent au cours des maraudes nocturnes, et qui ne sont pas en mesure de prétendre à l’hébergement d’urgence. »
Ce lieu leur permet de se reposer sur des banquettes, au chaud, prendre une douche, sans avoir à se séparer de leurs animaux. En 2017, 150 personnes différentes ont eu recours à cette Halte de nuit, avec environ 25 par jour en période creuse. « Pour sortir de la rue, il faut accompagner les personnes, la halte est en quelque sorte la première étape du parcours résidentiel », résume Anne Barreda. Un parcours de longue haleine dans lequel une multitude de structures interviennent : les services de l’État, avec le 115 et l’accueil d’urgence bien sûr, mais aussi des dispositifs plus souples et moins contraignants comme la maison de Paléficat, gérée par l’Union Cépière Robert Monnier (UCRM), présente depuis 70 ans à Toulouse et au-delà en Occitanie.
Pour Hélène Mayer, directrice du pôle logement et hébergement, « un certain nombre de jeunes précaires dans le centre-ville sont invisibles pour les statistiques car ne parviennent pas à entrer dans le cadre des services d’urgence de l’État, notamment parce qu’ils ont des animaux ». La maison de Paléficat, dans le quartier de la Cépière, permet justement d’offrir un lieu communautaire pour une dizaine de personnes de 18 à 30 ans, avec des espaces privatifs fermés et une présence régulière en journée des travailleurs sociaux : « En trois mois, nous arrivons à régulariser les situations et ouvrir les droits aux minimas sociaux ».
Ce n’est qu’à ce moment-là que se pose la question de la réinsertion dans le monde du travail et du projet professionnel, avec les écoles de la deuxième chance ou les apprentis d’Auteuil. Toute une chaîne de la solidarité essentielle à la survie des personnes les plus en difficulté.
*Pour l’INSEE, ce seuil de pauvreté équivaut à 60% du revenu médian, soit 1015 euros mensuels, aides sociales et impôts compris.
Grégoire Souchay
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