Vigilance. La Cour des comptes épingle la gestion des stations de ski des Pyrénées dans son récent rapport, publié le 11 février . Dans ce dernier, elle y appelle à un redressement rapide et préconise des choix radicaux mais inévitables. Jean-Noël Gout, président de section de la chambre régionale des comptes Midi-Pyrénées revient sur les observations de la Cour des comptes.
Jean-Noël Gout, concernant l’avenir des stations de ski des Pyrénées (Languedoc et Midi-Pyrénées), quelles ont été les constatations de la Cour des Comptes ?
La situation est globalement assez disparate : 1/3 des stations enregistre un chiffre d’affaires compris entre 8 et 9 millions d’euros, d’autres de taille intermédiaire parviennent à 5 millions d’€ et une dizaine de petites stations arrive péniblement à 1 million d’€. Nous constatons donc que la pérennité des dernières n’est pas évidente dans un contexte assez tendu en termes de fréquentation qui stagne depuis de nombreuses années. Ainsi, certaines stations n’ont pas les moyens d’investir pour rester compétitives. Le déficit est difficile à évaluer car les intervenants sont très divers. Par exemple, sur la station d’Ax les trois domaines, deux stations sont adossées et trois entités interviennent dans sa gestion (la société d’économie mixte, la commune d’Ax et la Communauté des communes de la vallée d’Ax).
La Cour des comptes a-t-elle identifié les causes de ces difficultés ?
Il s’agit surtout de choix politiques et de financement. Souvent, les collectivités auxquelles sont accolées les stations n’ont pas les moyens d’apporter des investissements. Il s’agit souvent de budgets annexes et déficitaires. C’est alors le budget principal des communes qui tente de rétablir l’équilibre de l’exploitation en versant des subventions ou en évitant de percevoir les redevances que les stations leur versent, sensées couvrir l’amortissement des investissements. Mais, parfois, le budget principal supporte des investissements non refacturés au budget annexe. De plus, l’environnement climatique spécifique aux Pyrénées, oblige certaines stations à fermer temporairement. Ensuite, vient le problème de la clientèle étrangère que les Pyrénées ont du mal à capter. Sur Peyragudes, par exemple, elle représente 8% des clients.
« Les Pyrénées ont du mal à capter la clientèle étrangère »
En Midi-Pyrénées, quelle station est la plus en danger ?
L’année dernière, le préfet a alerté quant à la situation financière très dégradée de Luz. Nous ne demandons pas sa fermeture, comme cela peut être le cas pour d’autres stations du Languedoc, mais l’endettement est préoccupant et a une incidence sur la fiscalité locale car, normalement, sauf cas prévu par la loi, l’usager doit supporter l’exploitation, pas le contribuable.
Les collectivités doivent-elles ainsi d’avantage soutenir financièrement les stations ?
Nous demandons la mise en place d’une vision qui sorte du canevas valléen des Pyrénées, qui reste une approche départementale, voire régionale, de façon à avoir une meilleure mutualisation et un projet global pour l’économie de la montagne. Dans les Pyrénées atlantiques, le département supporte les investissements pour les trois stations de Gourette, Artouste et Lapierre St Martin, et a créé un établissement pour l’ensemble des départements nommé EPSA (établissement public des stations d’altitude) qui gère les trois stations et reverse au département une redevance annuelle correspondant à l’amortissement annuel des investissements. Nous préconisons cette approche globale de façon à éviter le saupoudrage des financements, avoir un projet cohérent et définir des priorités dans un projet de territoire. Cela suppose bien entendu de surmonter des clivages politiques évidents.
Quelles sont justement les préconisations que la chambre régionale des comptes délivre ?
D’abord, il convient de définir un projet de territoire en intégrant toutes les parties concernées par une vision de l’économie de montagne et des priorités d’investissements, et donc de financements. Nous avons également demandé au préfet de prendre en compte le caractère structurant des sports d’hiver dans le schéma de coopération intercommunale. De même, nous exigeons d’assurer l’équilibre d’exploitation et, le cas échéant, de fermer les sites trop déficitaires. Pour finir, nous demandons une mutualisation des différents opérateurs, notamment dans le domaine des pratiques commerciales, des outils de gestion et l’on évoque, en exemple, le cas de la société d’économie mixte N’Py.
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Jean-Noël Gout, une autre étude concerne les partenariats public/privé (PPP) des collectivités. Quelle est votre analyse, suite à l’examen de 29 d’entre eux ?
Depuis 10 ans, au niveau national, les collectivités ont acté 149 partenariats de ce type, ce qui représente 75% des contrats signés, contre 25 pour l’Etat. En masse financière, par contre, c’est l’inverse : les collectivités ne représentent que 27%. Nous nous apercevons que les PPP, tels qu’ils sont utilisés, sont issus d’évaluations préalables souvent biaisées. Je rappelle que pour parvenir à un PPP, il faut démontrer l’avantage comparatif en termes financier, administratif et économique, du contrat de partenariat par rapport à une formule classique. Nous constatons que ces évaluations sont finalement faites pour habiller un choix déjà exprimé en amont en faveur du PPP ; par exemple, le critère de complexité, qui est l’un des trois utilisé pour justifier le recours au PPP, mais qu’il est rarement démontré.
Nous avons également le rôle ambiguë de la Mission d’appui au partenariat public/privé qui ont un rôle d’expertise, mais difficilement conciliable avec son rôle de promotion des PPP. Les collectivités les ont instrumentalisées pour justifier, devant une assemblée délibérante, du choix du PPP. Actuellement, nous ne sommes pas en mesure, faute de recul, d’évaluer la réalité de la performance d’un PPP, sachant que, s’ils peuvent permettre à court terme de régler des problèmes budgétaire d’une collectivité, ils ne les résolvent pas à long terme et créent des contraintes importantes. Quand une collectivité est dans une situation hors PPP, nous nous apercevons, à tort le plus souvent, que la maintenance est utilisée comme variable d’ajustement en cas de difficultés budgétaires, ce qui n’est plus possible dans le cadre d’un PPP.
Vous évoquez également la méconnaissance des collectivités vis-à-vis de ces contrats…
Absolument, car les contrats sont très complexes et les collectivités n’ont manifestement pas l’expertise pour les préparer ou pour les suivre en cours d’exécution. Certaines font alors appel à une assistance rédactrice d’ouvrage, notamment dans l’éclairage public où nous notons des liens entre l’assistant maître d’ouvrage, le groupement qui postule, ce qui pose des problèmes de conflit d’intérêts.
Peut-on aller jusqu’à dire que, la plupart du temps, les collectivités se font avoir en contractant un PPP ?
Nous avons étudié ces contrats et nous entrons maintenant dans une phase d’évaluation. Nous analyserons l’évolution des coûts entre le document contractuel et la réalité des dépenses. Et nous observons un risque évident car, d’une part, ces PPP sont établis sur des périodes pouvant aller jusqu’à 30 ans pour les plus grands et qu’il est difficile de faire des projections financières à si long terme. D’autre part, parce que 97% des contrats sont révisés par clauses au bout de 3 ans, ce qui peut tout remettre en cause. Nous appelons les collectivités qui n’ont pas encore signé de PPP à faire attention, à ne pas négliger les risques, notamment dans le domaine budgétaire.
Quelles sont alors les recommandations de la Chambre régionale des comptes ?
D’abord nous nous adressons aux collectivités territoriales. Nous leur demandons d’éviter de recourir aux PPP si elles n’ont pas l’expertise nécessaire de façon à ne pas tomber entre les mains de grands groupes qui eux ont les moyens et le recul suffisants. Nous leur conseillons d’éviter de s’adresser aux mêmes partenaires contractuels au niveau de l’assistance et maîtrise d’ouvrage mais aussi que l’exécution des contrats soit systématiquement intégrer au débat d’orientation budgétaire, avec une explication de l’évolution du coût par rapport au contrat signé.
Concernant les réformes qui affectent l’Etat, nous recommandons d’étendre aux collectivités territoriales, le décret du 27 septembre 2012, qui impose, au stade de l’évaluation préalable, de réaliser une étude de soutenabilité budgétaire pour les PPP. Nous demandons aussi une modification des normes comptables de façon à considérer non plus les seuls coûts d’investissement mais également les coûts d’exploitation de maintenance.
Dernier point, nous souhaitons le retrait du rôle de promotion des PPP des Missions d’appui.
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