Tanguy Aubé, militant anti-pub membre du RAP (Résistance à l’Agression Publicitaire), a été condamné pour la dégradation de 4 panneaux publicitaires de l’entreprise JCDécaux, à 1500 euros de dommages et intérêts, ainsi qu’à 120 heures de travaux d’intérêt général. La Cour d’appel a infirmé ce jugement le 23 juin dernier en requalifiant les faits de dégradations légères. Une victoire pour Tanguy Aubé qui souhaite poursuivre son combat pour « un espace public libéré de la pub continue ». Il s’adresse aujourd’hui à Karine Traval Michelet, maire socialiste de Colomiers et vice-présidente de Toulouse métropole.
Mme le maire de Colomiers,
Alors que l’on nous répète souvent que les problèmes liés à la publicité sont entendus et pris en compte dans les politiques mises en place par nos dirigeants, nous observons dans les faits plus de reculs que d’avancées. Loi Macron autorisant la publicité dans les stades, panneaux numériques arrivant en force dans le métro de Toulouse, et j’en passe…
Cette lettre pourrait tout aussi bien s’adresser à M. Moudenc, président de la communauté urbaine de Toulouse Métropole. Celle-ci a lancé au printemps l’élaboration d’un Règlement Local de Publicité intercommunal (RLPi), censé encadrer la publicité urbaine. Mais voilà, vous êtes doublement concernée par le sujet qui m’anime aujourd’hui, car vous êtes à la fois vice-présidente de Toulouse Métropole, et maire de Colomiers. Et la ville a la possibilité de ne pas renouveler son contrat avec une entreprise de publicité urbaine à partir de l’an prochain, et ainsi diminuer l’implantation de la publicité dans la ville.
En tant que citoyen, je suis toujours étonné de voir ces panneaux qui bordent les rues des villes comme les platanes celles de la campagne. Comme si ils avaient naturellement leur place ici, comme s’ils avaient toujours été là, avec nous, pour nous pourrait-on croire… Ils sont tellement fondus dans le paysage urbain qu’on ne se rend plus compte de leur présence.
« La publicité nous matraque tout le temps de désirs à assouvir dans l’immédiat »
Pourtant la triste réalité est que leur seul objectif reste de susciter chez ceux qui la voient (sans souvent avoir besoin de la regarder), l’envie d’acheter, de consommer. Si je parle de triste réalité, ce n’est pas que nous soyons en tant qu’individus habités par des envies, des désirs. Cela est bien naturel, et joue un rôle moteur pour construire notre vie, et nous construire nous-même. Ce qui est triste, c’est que de tous les types de désirs qui nous habitent, de celui de fonder une famille à celui de trouver sa voie, de celui de se rendre utile pour les autres à celui de mieux les comprendre, le seul qui soit vanté par ces panneaux soit celui de consommer. Et la pression publicitaire est telle que ces désirs immédiats prennent de plus en plus de place en nous, au point parfois d’éclipser les autres désirs.
Je me demande alors quel est le rôle de la vie politique. J’entends souvent des hommes et des femmes politiques regretter la violence de certains individus, parfois même regretter la violence que l’on peut retrouver dans la vie professionnelle. L’absence de valeurs des patrons qui partent avec des parachutes dorés quand l’entreprise licencie à tout va, l’absence de valeurs des réseaux faisant du trafic d’êtres humains, ou bien d’autres encore… Comment, se disent-ils, peuvent-ils considérer la vie humaine comme une matière première destinée à faire du fric ?
J’ai envie de répondre à ces hommes et ces femmes, élus et dirigeants : le message porté par notre société développe-t-il des valeurs de vivre ensemble, ou bien des valeurs d’égoïsme et d’individualisme ?
La publicité nous matraque tout le temps de désirs à assouvir dans l’immédiat, et elle colonise toujours plus d’espaces dans nos vies. La question est la suivante pour les collectivités : « L’argent peut-il tout acheter, ou bien y a-t-il des choses qui n’ont pas de prix, des valeurs plus fortes que lui ? »
Mme le maire, vous serez bientôt amenée à trancher. J’espère que ce sera alors un motif d’optimisme pour nous tous.
Tanguy Aubé
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