RIXES. Drôle d’ambiance, lundi matin, rue des Arts. En principe, les lundis matins sont peinards. Le week-end s’est tiré, les rideaux sont baissés. Le petit commerce se repose. Mais deux jours après la descente des ultras violents qui l’ont saccagé samedi, le quartier cossu a le bourdon.
Devant une boutique de chaussures, un vitrier s’active sur une vitrine à 4000 euros. Une réparation qui sera prise en charge par le contribuable, sur 80 mètres, 15 vitrines sont détruites. Il y a les impacts étoilés, le verre écrasé, témoin de la violence, de l’acharnement. Mais derrière les vitrines attaquées, il y avait des gens, comme cette jeune femme, vendeuse dans une boutique de luxe. Quand les assaillants ont jeté leurs masses et leur dévolu sur la vitrine, elle a fermé la porte et attendu que ça passe. Elle a eu très peur, elle est secouée. En face, c’est la colère. La 5ème manif anti barrage vient après la terrible période des attentats et celle, assez maussade, des soldes. Dominique Grosjean en a sa claque. Elle tient seule sa boutique, elle bosse dur. Alors, elle dit son ressentiment et la conclusion ne tarde pas à se manifester : maintenant je vais voter pour l’extrême droite ! L’affirmation est faite d’un ton bravache, mais il est plus aisé d’y déceler de la vengeance que de l’espoir. Des raccourcis et des conclusions hâtives, le syndicat Alliance n’en manque pas. Pour l’un de ses porte-paroles, ce sont les organisateurs qui ont fait défaut, en n’assumant pas leur fonction d’encadrants. Alors, on dénonce des anarchos libertaires qui viennent de partout. Les coupables ? Attac et le NPA mais en général, l’extrême gauche, une mouvance incertaine mais coupable, forcément.
Dans la « mouvance » justement, on s’interroge et l’on souligne les zones d’ombre. Les débordements pourraient êtres instrumentalisés pour justifier l’interdiction d’autres manifs. La perspective d’un rassemblement d’opposants à la cession de l’aéroport, le 14 mars, pourrait servir de banc d’essai à la préfecture pour affirmer son autorité. On évoque aussi l’extrême droite, on s’interroge, mais on ne sait pas. Pour espérer en savoir plus, il fallait être au tribunal, mardi pour l’audience en comparution immédiate. Frédéric H. est un homme chétif de 40 ans. Il est sous curatelle renforcée, ancien toxico, 20 fois condamné. Frédéric est désolé. Le jour de la manif, il avait bu, était sous l’effet de son lourd traitement psychiatrique, alors, il a pris un caillou et l’a jeté en direction du tribunal, évidemment, il s’est fait chopper. Maintenant il s’excuse, se désole, il est navré et relaxé. Pour aller à la manif, Laurent M avait un cubi de rosé en bandoulière. Il est comme ça Laurent. Un grand gaillard, façon première ligne, costaud. Samedi, il a défoncé une vitrine en trois coups de pied, à peine aidé du marteau d’un compère. Laurent s’est fait gauler avec une alcoolémie à 2,18, il n’a pas de domicile. Avant, il était militaire, 11 ans. Après, il y a eu l’alcool, la taule et puis l’alcool et puis aujourd’hui, la taule encore : 6 mois ferme. Venu voir les activistes, le public a découvert les alcooliques. Samedi, il y avait des ultras, équipés, organisés, connectés. Mais mardi, au tribunal, il n’y avait plus que des poivrots. Et des paumés.
Julien Davenne
La rédaction
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