AUBERGE ESPAGNOLE. Pour faire des économies et être moins seuls, les seniors sont de plus en plus nombreux à se tourner vers d’autres formes d’habitat. De la colocation à la maison autogérée, le 3e âge reprend son destin en main. Des alternatives audacieuses qui cherchent encore leur voie.
Par Maylis Jean-Préau
« Veuve, 71 ans, aimant la marche et cuisiner, cherche colocation à Toulouse et environs pour briser la solitude et vivre une nouvelle expérience de vie. » Cette annonce publiée sur un forum dédié aux seniors n’est pas un cas isolé. Après les étudiants et les actifs, les retraités eux aussi font le pari de l’auberge espagnole, comme Monique, 68 ans, qui a déposé une annonce sur le site appartager.com. « Je vis seule dans une maison de quatre chambres à Colomiers, c’est ma petite fille qui m’a parlé de la colocation. Je me suis dit : pourquoi pas ! Mais pas avec des jeunes, je préfère partager des choses avec des gens de mon âge », raconte cette retraitée active. Preuve d’une véritable tendance, depuis cinq ans, appartager.com enregistre une hausse considérable de seniors. Sur les 800 utilisateurs toulousains du site, 15% ont plus de 50 ans.
Dernièrement, de nombreux sites web dédiés à la colocation pour senior ont été créés, comme LocaSeniors.com. « C’est la tranche d’âge 65-75 ans qui est la plus en demande car il s’agit de personnes actives devant faire face à une baisse de revenus », explique Marie Magne, la fondatrice. Et le phénomène ne risque pas de s’essouffler. Selon l’Insee, la population de plus de 60 ans aura augmenté de 40% d’ici 2030. « Nous sommes convaincus que la colocation senior va prendre de l’ampleur dans les années à venir, elle reste moins chère qu’une location et permet de vivre une seconde vie », pointe du doigt Cédric Brochier, porte-parole de appartager.com.
Pourtant, si le concept génère beaucoup de clics sur le web, dans les faits, seule une petite minorité l’a adopté. Des points de blocages demeurent. « Les personnes âgées ont peur d’ouvrir leur intimité à des inconnus », reconnaît Marie Magne. « Nous avons d’ailleurs beaucoup plus de demandes de locataires que d’offres de maisons. »
Alors, pour trouver d’autres alternatives économiquement accessibles, associations, collectivités et seniors se creusent la tête. L’association Les petits frères des Pauvres, qui possède déjà des logements individuels réservés à des personnes âgées isolées, dont huit à Toulouse, mène une réflexion poussée sur le sujet. « Nous cherchons désormais des solutions d’habitat collectif pour toutes ces personnes qui se trouvent entre le maintien à domicile et le placement en EHPAD. Le but est de créer du lien avec un lieu ouvert sur la ville, mais aussi de maintenir la liberté de la personne âgée et de l’impliquer », précisent Vincent Paillard et Géraldine Viala, de la commission Habitat à Toulouse.
L’association Âges sans frontières a ainsi créé trois maisons partagées pour seniors autonomes dans le Tarn. « Nous sommes huit, chacun à sa chambre avec salle de bain, il y a des espaces de vie en commun et une gouvernante qui s’occupe de la cuisine et des activités. On a aussi des lapins, un potager…», raconte un résident de la maison partagée de Tauriac. Tout cela pour 1060€ par mois, soit moitié moins que dans une résidence pour seniors avec services proposés par un promoteur. Des logements sociaux intergénérationnels aux maisons de Babayagas, un habitat autogéré réservé aux femmes âgées initié à Montreuil, de nombreuses solutions se dessinent localement. Avec un dénominateur commun : être fait vraiment pour et par le 3e âge.
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