Mouvement. À l’heure où un nouveau projet de loi asile-immigration est présenté en conseil des ministres, les associations toulousaines d’aide aux migrants se sont réunies en États généraux. Elles dénoncent l’inhumanité du traitement réservé aux demandeurs d’asile. Et élaborent des propositions pour une politique humaniste. – Maylis Jean-Préau
© Franck AlixC’est l’histoire d’une jeune Chilienne, résidant en Espagne, venue rendre visite à des amis à Toulouse avec un billet de train aller-retour… et qui se retrouve au Centre de rétention de Cornebarrieu (CRA). C’est aussi l’histoire d’un Syrien de 22 ans. Depuis presque deux mois, il attend de pouvoir enregistrer sa demande d’asile à la préfecture. Pendant ce temps, faute d’attestation, il ne peut prétendre ni à une adresse postale, ni aux centres d’accueil, ni à une couverture santé. Ces témoignages ont été rapportés le 21 février par des associations comme la Cimade, le Réseau éducation sans frontières ou encore le DAL31, réunies en États généraux des migrations. Ce mouvement lancé en novembre 2017 partout en France fédère 470 organisations. « Nous voulons faire entendre une autre voix que celle du gouvernement dont le projet de loi accentue le volet répressif », explique Daniel Welzer-Lang, sociologue à l’université Toulouse II Jean-Jaurès.
Les États généraux ont été l’occasion de faire le point sur la situation des migrants à Toulouse. Aujourd’hui, une personne étrangère majeure peut obtenir une autorisation de séjour à différents titres : demande d’asile, pour raison de santé,pour regroupement familial… La première démarche consiste à se rendre à la Plateforme d’accueil des demandeurs d’asile (PADA), censée donner un rendez-vous à la préfecture dans un délai de trois jours. « À Toulouse, il est en moyenne de 40 à 45 jours », dénonce Martine, militante d’Amnesty International. Après l’entretien à la préfecture, un agent de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) effectue une évaluation de la situation. C’est ensuite l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) qui étudie le dossier et convoque le demandeur à Fontenay-sous-Bois. La personne déboutée dispose d’un mois pour former un recours devant la Cour nationale du droit d’asile. « Un délai que la nouvelle loi veut ramener à 15 jours, cela rend le recours impossible », dénonce Monique Langevine de la Ligue des droits de l’Homme. Selon la Préfecture de Haute-Garonne, 1963 demandes d’asile ont été enregistrées en 2017 dans le département. Le pourcentage de personnes l’ayant obtenu n’a pas été communiqué. Il se situe autour de 35% en France.
Les associations signalent de nombreuses situations « de grande précarité » tout au long du parcours du demandeur d’asile. Déjà, à la préfecture de Haute-Garonne, où un rapport de 2017 de la Ligue des droits de l’Homme fait état de « traitements des dossiers aléatoires, de demandes abusives de pièces… » Les conditions d’hébergement en centres d’accueil sont également pointées du doigt. Les jeunes majeurs font les frais de « déménagements soudains d’un centre à l’autre, qui met fin au cursus de certains, étudiants à l’université », comme l’explique Juliette du Réseau éducation sans frontières. La Cimade s’insurge contre les « conditions de vie inhumaines et des conflits dus à la surpopulation » au CRA de Cornebarrieu où sont enfermés les déboutés. Selon l’association, en 2017, 1 073 personnes sont passées par le CRA, dont 153 femmes et 11 enfants. Interrogée sur les doléances émises lors des États généraux, la préfecture de Haute-Garonne a répondu ne pas avoir de « commentaire à faire sur le sujet. »
Des réponses humanistes
Alors que le projet de loi asile-immigration s’oriente vers une augmentation des expulsions, des alternatives sont proposées par les associations ou expérimentées sur le terrain. « Donner le droit au travail aux personnes qui arrivent est l’une des solutions », explique Monique Langevine, de la Ligue des droits de l’Homme. « Tant qu’un étranger n’a pas de papiers, il n’a pas le droit de travailler. Or, dans les faits, on sait très bien que des personnes sans titre de séjour travaillent, parfois pendant des années, pour 3 à 5€ par jour, ce qui représente une concurrence pour les travailleurs français. » Autre hypothèse évoquée : des régularisations massives des sans-papiers comme l’a fait l’Allemagne. En 2013, un rapport commandé par Matignon le préconisait déjà. « Ces personnes ne sont pas là par choix et de toute façon elles ne rentreront pas chez elles parce qu’elles ne peuvent pas », argumente Daniel Welzer-Lang, sociologue à l’université Toulouse II Jean-Jaurès. Enfin, pour améliorer l’accueil et l’intégration, des associations d’aide aux migrants citent l’exemple italien. À l’image du village de Riace, plusieurs communes rurales de Calabre ont accueilli des migrants et ainsi redonné vie à leur territoire peu peuplé. Les initiatives en ce sens sont encore rares dans la région.
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