Chaque semaine, cet été, nous partons en voyage avec nos lecteurs. Pierre a voulu nous faire partager son expérience de séjour linguistique. Sa mission était d’apprendre l’anglais, mais ça ne s’est pas passé comme ses parents le souhaitaient…
Par Anne Mignard
Qui n’a pas entendu vanter les mérites des séjours linguistiques ? Rien de tel pour apprendre une langue, dit-on souvent. Un voyage en immersion à l’issue duquel chaque étudiant devrait pouvoir discuter avec un autochtone. C’était ce que promettait l’organisme spécialisé vers lequel les parents de Pierre se sont tournés. À 14 ans, le collégien finit alors sa 4e, ses notes sont moyennes et même franchement médiocres en langues étrangères. Ses parents décident alors de l’envoyer outre-Manche pour apprendre la langue de Shakespeare. « C’était une bonne idée au départ et je n’étais pas contre, mais lorsque j’ai débarqué à Brighton, rien ne s’est passé comme mes parents l’espéraient. » Pierre est alors logé dans une petite maison habitée par un couple : « C’était de petites gens, des trentenaires. Lui travaillait au port, elle, était mère au foyer et s’occupait de son garçon qui n’avait pas dix ans. Pour se faire un peu d’argent, ils avaient aménagé une buanderie de 10 m² et y avaient installé un lit superposé pour m’accueillir. J’ai compris très vite qu’il ne voulait avoir aucun rapport avec moi ni avec mon voisin de chambre. » Les horaires d’entrée et de sortie sont donnés, tout comme ceux d’utilisation de la salle de bain. Les dîners sont servis à heure fixe et ne sont jamais partagés avec la famille. « On les voyait à peine. Et le système était pensé de telle sorte qu’on ne pouvait pas parler anglais, même avec un voisin ou dans les transports en commun. » La maison qu’habite Pierre se situe en banlieue, loin du centre-ville. Chaque matin et chaque soir, un bus vient chercher et ramène les élèves, « un bus rempli de Français ». Au programme, trois heures de cours le matin par groupe de dix et l’après-midi, des sorties en commun. « On allait au ciné, au musée, on est même allé à Londres… mais toujours entre Français. C’était sympa, mais on ne parlait que rarement anglais. Tout sauf de l’immersion. » Pierre est tout de même initié à une langue étrangère : l’espagnol ! Son voisin de chambre, Alonso, 18 ans, vient de Galice. « On a très vite sympathisé. Il faut dire que quand tu es dans la même galère, ça rapproche. Par exemple, le soir, devant les plats infâmes que nos logeurs nous servaient, on a bien rigolé. Une fois, Alonso m’a même invité au Mac Do, histoire qu’on échappe au terrible jelly, ce dessert à base de gélatine, et à leur viande bouillie. » Et puis Alonso s’en va. « Il n’aurait même jamais dû être là car dans le contrat passé entre l’organisme et les logeurs, un seul étranger devait être logé dans ces pauvres 10 m² ». Au bout d’une semaine, un petit groupe d’étudiants se forme et se donne rendez-vous après les cours. « On habitait le même quartier et comme on ne pouvait pas se rendre au centre-ville, on se retrouvait sur un terrain de foot, ou en haut d’une colline. On discutait, certains fumaient, d’autres picolaient. Il y avait des majeurs qui pouvaient acheter de l’alcool dans un drug-store. C’est même là que j’ai pris ma première cuite. Mais, pendant ce temps, on n’apprenait pas l’anglais. Je savais que mes parents allaient être déçus, mais que faire ? » Au bout de quinze jours de séjour, Pierre rentre à Toulouse et raconte à ses parents. « C’était une véritable arnaque. Tout le monde savait là-bas qu’on n’apprendrait rien. Pour nos logeurs, nous n’étions qu’un peu de beurre dans les épinards. Certains de nos professeurs ne se donnaient même pas la peine de venir nous faire cours. Tant est si bien que certains matins, nous n’avions qu’une heure de leçon au lieu de trois. Mes parents m’ont cru et l’on est passé à autre chose. Au final, je n’ai pas appris l’anglais, j’ai pris ma première cuite et j’ai fait une belle rencontre. Parmi les autres jeunes, il y avait la nièce d’un vrai ministre… On est même sorti ensemble ! C’est toujours rester secret, mais ça me fait sourire d’y repenser maintenant… Folles vacances ! »
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