ENCLAVE. Cette artère au statut de Commune libre n’est ni un îlot révolutionnaire, ni une zone franche. Plutôt une émanation de l’esprit fantasque qui régnait à la sortie de la guerre dans ce quartier bohème. Mais aujourd’hui, elle se cherche un nouvel édile en même temps qu’un nouvel élan. Avis à la population !
Crédits : Sié / JT
Qui a fréquenté le ‘’Café Pop’’ dans sa jeunesse, ou la librairie Floury plus tard dans sa vie, sait que la rue de la Colombette est un endroit à part à Toulouse. Mais de là à imaginer qu’il bénéficie du statut de Commune Libre, il y a un pas que beaucoup n’ont pas encore franchi.
Tel ce jeune couple attablé au fameux bar, anticipant largement l’heure de l’apéro. « Je n’en ai jamais entendu parler, ça signifie qu’on peut y faire tout ce qu’on veut ? », s’interroge Diego. Un peu plus haut dans la rue, à la Galerie Palladion, Jean-Henri Escoulan, le gérant, s’esclaffe : « D’habitude, on nous demande plutôt si on est exonéré d’impôts, c’est une sorte de fantasme ».
La galerie est le siège de l’amicale des commerçants du quartier, sorte de gardienne du temple de cette histoire méconnue. Car hormis une plaque bleue, installée à l’entrée de la rue, aucun autre signe visuel ne fait état du caractère particulier de l’artère.
Inspirée par Montmartre, la plus ancienne et la plus célèbre des Communes libres, celle de la rue de la Colombette a vu le jour à la Libération en 1944, comme la plupart de la cinquantaine de consœurs existant aujourd’hui en France.
On doit celle du quartier Saint-Aubin à une bande d’artistes ayant établi leur quartier général au Bar des 2 Ânes (actuel Café Populaire). « C’était la fin du couvre-feu, une période de soulagement très festive et fantaisiste mais où en même temps rien n’était résolu au niveau du quotidien toujours très restreint », raconte le galeriste. Cette troupe bohème invente alors une municipalité ‘’pour rire’’ au profit d’œuvres sérieuses. Des spectacles sont organisés pour recueillir de l’argent et offrir aux nécessiteux des sacs de charbon afin qu’ils puissent se chauffer.
Grâce au charisme de son premier maire, l’illustre Louis Pont, alias le chansonnier Durval, et à la foire de la rue de la Colombette crée en même temps par les commerçants afin d’écouler leurs stocks gelés pendant la guerre, la Commune Libre devient rapidement une institution populaire. Et se perpétue dans le temps malgré quelques creux comme dans les années 1970 où le coté rétro ne colle guère aux aspirations de l’époque. En 2004, les 60 ans de la Commune ont été fêtés en grande pompe avec courses d’ânes et élections de la reine de la Commune dans le pur esprit chansonnier des débuts. Mais depuis 2 ans, les deux uniques postes officiels de la Commune, ceux de garde champêtre et de maire, dont le seul pouvoir est d’accueillir le vrai maire lors de la foire, sont vacants. Pas de quoi décourager Jean-Henri Escoulan : « Les temps sont un peu plus durs et les gens ont moins tendance à s’impliquer. Mais le quartier a gardé une certaine âme, nous allons trouver des bonnes volontés. D’autant qu’ici, on est maire à vie !».
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