Trac. Ils étaient tout particulièrement ponctuels et bien décidés à débattre, quoiqu’un peu stressés par l’évènement… Une fois n’est pas coutume nous avions trois hommes à table. Chacun s’est rapidement présenté, et nous nous sommes jetés à l’eau. A l’ordre du jour : les sénatoriales, l’adoption par des couples homosexuels et la situation – critique – du Stade Toulousain.
Par Coralie Bombail et Aurélie Renne
Actu chaude oblige, le débat démarre par les élections sénatoriales de dimanche dernier. Sans véritable surprise, le Sénat a basculé à droite, mais voit arriver sur ses sièges deux élus du Front national. Les carpaccios de bœuf à peine servi, Benjamin Vignau, dans son domaine sur le sujet, ne peut s’empêcher de souligner le rôle minime du Sénat : « Au niveau des institutions, cela ne va pas changer grand-chose car l’Assemblée nationale a toujours le dernier mot dans le débat parlementaire. » En revanche, ce résultat peut « ralentir le travail législatif », reconnait-il. « C’est la suite logique de toutes les dernières élections, c’est un vote sanction », enchaîne Jérôme Pironnet qui s’inquiète de l’arrivée du FN au Palais du Luxembourg : « A chaque échéance électorale, le parti prend de l’importance, là c’est la première fois de toute la Ve République que le FN entre au Sénat, ça les crédibilise davantage. » Pour Stef, l’analyse est simple : « Les Français font leur crise d’adolescence et se comportent comme n’importe quel enfant à qui on interdit de faire quelque chose ! » Plus sérieusement, il se désole « du manque de cohésion dans ce pays, alors qu’on a besoin d’être fort pour faire face à l’agression économique extérieure. Aujourd’hui, on règle des comptes en votant pour les extrêmes, on est davantage dans le spectacle que dans l’efficacité. » Au final, les gens sont-ils vraiment intéressés par les sénatoriales ? « Même s’ils ne votent pas, symboliquement ces élections ont leur importance et je pense que le score du FN marque les esprits », répond l’humoriste, tandis que Jérôme Pironnet soulève un autre problème : « Il faut vraiment être initié en politique pour comprendre tous les enjeux de ces élections. » A cela, il ajoute « toutes les affaires qui sortent, qui sont instrumentalisées et à cause desquelles les Français sont dégoutés de la politique. » Benjamin Vignau reconnait qu’il y a quelques soucis « de finances opaques » et prône de manière générale « moins de sénateurs et moins de députés, comme en Allemagne. »
« La PMA existe depuis longtemps et je suis étonnée que ça cafouille autant, à droite comme à gauche. » (Jérôme Pironnet)
En attendant le plat principal, nos invités commencent à prendre leurs aises. Stef a fini son soda, les autres sont sagement à l’eau, tandis qu’une de nos journalistes (que nous ne citerons pas) s’est autorisée un verre de vin avant d’annoncer le prochain sujet, qui va prendre un peu de court nos convives… La Cour de cassation a rendu son verdict : le recours à la PMA à l’étranger (la Procréation Médicalement Assistée n’est autorisée en France qu’aux seuls couples hétérosexuels ayant des problèmes de stérilité) ne fait pas obstacle à l’adoption de l’enfant ainsi conçu par l’épouse de la mère. L’arrivée du thon et sa purée de vitelotte comble le silence momentané… et permet à tous de rassembler ses idées. C’est Stef qui brise la glace : « Je pense à tous ces couples qui se battent pour avoir des enfants, alors que certains couples hétérosexuels boivent ou sont violents… »Pour Benjamin Vignau, il faut opter pour un raisonnement pragmatique : « Ces enfants existent et il faut les protéger, je pense que c’est le raisonnement de la Cour de cassation. » Sur cette question délicate, il propose « la mise en place d’un Conseil national d’éthique qui fasse des recommandations et le gouvernement devra trancher ». Mais selon lui, il est clair « que la PMA doit être légalisée pour les couples homosexuels, car aujourd’hui, ce ne sont que les couples qui ont les moyens qui ont recours à la PMA à l’étranger et cela crée une inégalité entre ceux qui ont les moyens et les autres.» Jérôme Pironnet poursuit le raisonnement : « La PMA existe depuis longtemps et je suis étonnée que ça cafouille autant, à droite comme à gauche. » Mais le sujet a le don d’enflammer l’opinion, comme on l’a vu lors du débat du mariage pour tous : « C’est ce qui arrive quand on règle les problèmes sociétaux avant de régler les problèmes économiques », lance le directeur régional de la BNI. Bref, le sujet fait tout même l’unanimité autour de la table. Et Stef de conclure : « Je vais peut-être paraitre démago, mais quand on touche à l’amour de parents pour leur enfant, ce n’est pas à la politique de juger de ça. » Démago, peut-être pas, nous mettrons cela sur le compte de la sensibilité de l’artiste.
« Il est temps pour Guy Novès de passer la main » (Benjamin Vignau)
Les émotions retombent avec le café et le dernier sujet plus simple à aborder : la situation du Stade Toulousain, qui a vécu sa cinquième défaite consécutive pour prendre l’avant dernière place au classement Top 14. « C’est le plus grand club de rugby au monde ! », s’exclame Stef d’emblée. « Quand on commence à perdre 3 ou 4 matchs et qu’on est le Stade Toulousain, on entre dans une spirale où l’on attend tellement de nous que c’est dur de remonter la pente. Il est arrivé la même chose à l’équipe de France de foot. Aujourd’hui il faut faire confiance à Guy Novès et à l’équipe », poursuit-il. Benjamin Vignau semble partager la même passion pour les Rouge et Noir, son oncle ayant « joué 20 ans au Stade Toulousain ». Il est pourtant légèrement plus sévère sur le sujet en pensant « qu’après 20 ans de carrière, il est temps pour Guy Novès de passer la main ». Pour Jérôme Pironnet, le débat est moins passionnel : « J’ai découvert le rugby en arrivant sur Toulouse il y a une dizaine d’années », avoue-t-il, « mais c’est un défaut typiquement français de tirer à boulet rouge dès qu’une équipe va mal. » Par rapport à Guy Novès : «Quand il parle aux médias je le trouve bon, il sait rester positif, on a envie de le soutenir », remarque-il. Le problème viendrait-t-il « du budget du Stade Toulousain ? » Le mot est lâché. Le rugby est-il en train de devenir une histoire de gros sous ? « Ça commence », répond Benjamin, « on l’a vu avec Toulon qui a mis six mois à monter (grâce notamment à l’achat du joueur vedette Jonny Wilkinson) ». « C’est avant tout une histoire d’hommes », rétorque Stef qui avance sans tarder le contre-exemple de Castres (qui a remporté le bouclier de Brennus en 2013). Le Stade Toulousain a en tout cas eu le mérite de détendre l’ambiance de la tablée. Le débat prend fin mais nos invités continuent à discuter un petit moment de tout et de rien. Une fois de plus, l’alchimie a pris à La Table du Belvédère.
Mini bio :
Stéphane Anglio alias Stef est un humoriste toulousain révélé dans le duo comique « Stef et Jim », créé en 1998 et parrainé par Anthony Kavanagh. « On est des professionnels depuis une bonne dizaine d’années, ‘‘Stef et Jim’’ c’est 1200 dates, de l’impro et de la bonne humeur entre deux amis d’enfance », résume-t-il. Le 9 octobre, le duo se produit au cabaret Ô Toulouse pour une soirée spéciale, dont les recettes seront reversées au Restos du cœur. Stéphane est également musicien depuis 20 ans, il compose pour des spectacles, des publicités, et réalise des bruitages avec sa société « Mythe box ».
Jérôme Pironnet a lancé à Toulouse en 2011 le premier groupe BNI toulousain (Business network international), un réseau d’affaires professionnel basé sur la recommandation mutuelle, qui réunit onze groupes d’une trentaine de personnes ainsi que deux à naître prochainement. Initialement chef d’une entreprise de formation il a constaté en arrivant à Toulouse la nécessité pour une entreprise d’utiliser un « relai relationnel » pour se faire connaitre.
Benjamin Vignau est le président des jeunes UDI de Haute-Garonne. Pour les prochaines élections internes de son parti, il soutient le député Yves Jégo (face notamment à Hervé Morin). Il est le cofondateur du Think Tank « L’Estrade » (présidé par Hervé Boco), qui réfléchit en particulier sur trois thématiques : la politique, la finance et les sciences et arts. Benjamin Vignau va prochainement travaillé à la communauté urbaine en tant que collaborateur du groupe « Métropole Avenir ».
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