Entente. Entre amertume des sujets et douceur du mets, Sébastien Nadot du Mouvement unitaire progressiste (MUP), et Mathieu Leymonie, co-président de l’association culturelle Progrès Son, ont ponctué leurs coups de fourchettes de réflexions des plus pertinentes. Au menu, l’indemnisation chômage, l’écotaxe et les sorties provoquantes d’Éric Zemmour.
Par Aurélie Renne et Séverine Sarrat.
Installées au fond de la salle de la Table du Belvédère, nous recevons nos invités qui, une fois n’est pas coutume, sont à l’heure et se placent à nos côtés. Une fois à table, Sébastien Nadot et Mathieu Leymonie se présentent, discutent de manière détendue et, contre toute attente, les deux convives se trouvent des points communs. L’un expliquant être professeur de sport au lycée Jolimont et l’autre ayant été élève dans ce même établissement. Le premier étant en représentation cette année au « Printemps de Bourges » (festival musical), quand le second y assiste tous les ans. Le monde est finalement plus petit qu’on ne le croit, surtout autour d’un verre de vin blanc sec. Et dès les premières bouchées, le débat est lancé, en commençant par aborder les propos d’Emmanuel Macron, ministre de l’Économie qui relance la polémique sur l’indemnisation des chômeurs, qualifiant la réforme de l’assurance-chômage d’insuffisante. Pour Sébastien Nadot, nul besoin de toucher à cet acquis social : « Le système actuel est un des meilleurs d’Europe… Ce qui ne veut pas dire qu’il est parfait ! » Mais en temps de crise, il se demande s’il est judicieux de le modifier, précisant que « de toute façon, cela doit être fait en concertation avec les partenaires sociaux. » Sinon, « ce serait à l’encontre des convictions de la gauche. » Nos invités concèdent que des économies sont nécessaires mais pas sur ce budget-là, pas par un gouvernement de gauche. « De plus, François Hollande a eu tôt fait de reprendre son ministre en précisant qu’il fallait attendre », renchérit Sébastien Nadot, coupé par son voisin de table Mathieu Leymonie, plus catégorique : « Ce sont des malades mentaux ! Moi je suis au chômage et je sais ce que signifie que d’aller galérer à Pôle emploi. En réalité, tout dépend du secteur dans lequel vous recherchez un emploi. Personnellement, c’est la communication et l’on m’a clairement dit que je trouverai plus facilement en faisant jouer mon réseau qu’en passant par Pôle emploi. » Pour lui, les conseils et aides que peut apporter l’organisme ne sont pas forcément adaptés et c’est peut-être à ce niveau-là qu’une réforme s’impose, non sur la durée ou le montant des indemnisations. « Le problème se situe dans l’articulation entre le Pôle emploi, qui reçoit les chômeurs, et les organismes qui proposent des formations, c’est-à-dire la réalité », poursuit le délégué régional du MUP. Et dans la réalité, « Pôle emploi propose un rendez-vous tous les 6 mois et permet de s’actualiser tous les mois en répondant à 5 questions. Ainsi, il devient facile de se complaire dans cette situation », explique Mathieu Leymonie.
« L’écologie est prisonnière d’EELV »
Comme il est facile de passer au dessert après que chacun ait saucé son assiette où seuls les os de la poule confite trônent encore, mais un peu moins d’enchaîner avec le sujet suivant, à savoir la suppression de l’écotaxe annoncée par Ségolène Royal, ministre de l’Écologie. Le constat est unanime pour nos invités, en matière d’écologie, la France est en retard. « Que l’on parle de tri, de pollution, de recyclage… notre pays n’est clairement pas dans les clous », constate le co-président de Progrès Son, quand Sébastien Nadot lui emboîte le pas : « même, nous devrions avoir de l’avance sur les autres. Nous sommes quand même la 5e puissance mondiale et ce sont les Chinois, les plus pollueurs, qui vont bientôt nous donner des leçons ! » Mais ils s’interrogent : ne faudrait-il pas intégrer l’écologie dans la conscience des gens, par l’éducation, et ne pas attendre de taxer une fois qu’il est trop tard, comme le regrette Mathieu Leymonie. Vaste question partagée par l’homme politique du jour : « L’écologie est devenu un prétexte pour les différents partis tout en restant prisonnière d’Europe Écologie les Verts. Toutes les formations politiques devraient intégrer l’écologie dans leur matrice ! » Cette dernière réflexion fait d’ailleurs réagir son acolyte qui en pose sa fourchette et hausse la voix : « L’écologie c’est quand même l’avenir de notre monde, celui dans lequel on vit… C’est quand même plus important que la finance ou toutes autres préoccupations matérielles… On pourrait aussi bien créer un parti des finances tant qu’on y est… » ironise-t-il. Toujours est-il que la décision est prise, la taxe pénalisant le « pollueur-payeur » ne sera pas mise en place. « Ségolène Royal a fait un choix mûrement réfléchi car l’écotaxe a été très mal amenée par le gouvernement Sarkozy. Elle a hérité d’une patate chaude », conclut Sébastien Nadot. Et en parlant de patates, celles de nos assiettes ont disparu sous les coups de fourchettes.
« C’est un raciste, doublé d’un misogyne ! »
Ce qui nous permet de passer au dessert et de lancer notre dernier sujet qui, soit dit en passant, est resté en travers de la gorge de nos invités. Nous en venons aux frasques d’Éric Zemmour qui assure la promotion de son dernier ouvrage « Le Suicide français ». Dès le sujet lancé, Mathieu Leymonie ne peut retenir un « c’est un raciste, doublé d’un misogyne ! » Plus modéré, son voisin de table nuance les propos : « Il est dangereux parce qu’il est intelligent, qu’il maîtrise la communication et qu’il profite de sa nouvelle notoriété. » Mais pour Mathieu qui ne tient plus sur son chaise, « il n’a rien à voir avec quelqu’un d’intelligent, c’est simplement de la communication, qui ne vole pas bien haut. Il attise le feu en permanence et joue sur la haine ! » Et ce sont les médias qui en prennent un coup, car ils restent, pour nos invités, le premier vecteur de communication des propos de l’écrivain-journaliste. « Au vu du vide proposé par les JT nationaux, Zemmour représente un relief car les lecteurs, téléspectateurs ou auditeurs ont envie de piquant », commente le co-président de Progrès Son, le visage penché sur sa mousse de nougat. Pourtant, tous les deux reconnaissent que l’homme expose un raisonnement construit… mais sur des bases archaïques. Éric Zemmour écrit notamment dans son ouvrage : « Nous sommes nombreux à ne plus reconnaître la France […] Les valeurs féminines ont pris le pouvoir […] Les islamistes salafistes ont halalisé certains quartiers. Dans ces quartiers là, ce n’est plus la France », ce qui fait sourire, amèrement, nos convives. « Mais dans quel monde vit-il ? » lâche Mathieu Leymonie, « Il faut arrêter avec cette théorie du complot qui veut que le pays soit manipulé par les francs-maçons, les juifs et les homos. Il vend un modèle totalement dépassé de la France, qui s’est toujours trouvée à la croisée des chemins depuis le Moyen Âge. » Et Sébastien Nadot de rajouter « qu’il fait beaucoup de tort aux médias ! » Sur ses paroles, le sujet dévie sur les journalistes et sur l’histoire du Journal Toulousain, dont nous reparlons au cours d’un café qui marque la fin de la rencontre.
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