Le Tribunal judiciaire de Toulouse a condamné les prévenus en situation de handicap à plusieurs mois de prison avec sursis, pour entrave à la circulation.
Ce mercredi 19 mai 2021, le verdict est tombé. Seize militants en situation de handicap mis en accusation pour avoir entravé la circulation ferroviaire et aérienne en 2018, avaient été convoqués devant la chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Toulouse le 23 mars dernier.
Le cœur de leur combat? “Mettre en lumière les multiples freins et obstacles bloquant leur quotidien” en matière d’accessibilité. Leur moyen d’action? “Occuper pendant une heure des pistes d’atterrissage et des lignes de train de la gare de Toulouse”.
Les prévenus avaient déjà dénoncé les conditions du déroulement de l’audience du 23 mars 2021 au cours de ce périple qu’ils nomment “le procès de l’inaccessibilité” : “Pas d’interprète, pas de micros opérationnels, un monte-charge inconfortable et mal odorant, des documents illisibles pour la synthèse vocale utilisée par l’accusée aveugle”… Une situation “en rupture d’égalité” lors d’une audience “totalement indigne”, dont les conditions se sont répétées ce 19 mai.
“En 2018, nous avons mené une action non violente et pacifique”, souligne Odile Maurin, présidente d’Handi-Social, qui écope de six mois de prison avec sursis. “Aujourd’hui on déconfine la France, mais on ne déconfine pas les personnes handicapées, et ce dans l’indifférence générale. L’Etat nie notre droit à une vie sociale et à une vie citoyenne. Nous sommes punis pour entrave à la circulation, mais qui subit des entraves majeures depuis sa naissance ? C’est nous !”
Odile Maurin dénonce un “procès inéquitable niant les règles de droit. Effectivement, nous n’avons pas respecté la loi, mais la justice toulousaine a été sourde et aveugle, et c’est la meilleure illustration de la légitimité de notre combat”.
La condamnation pénale, entre 2 et 6 mois de prison avec sursis, est accompagnée de condamnations financières. Arié Alimi, l’un des avocats des prévenus, s’est dit “attristé” par cette décision, soulignant le fait que ses clients “n’ont pas été en mesure de comprendre à quoi ils étaient condamnés” : “Au-delà de ce qui est reproché à ces militants, ce procès pose la question de l’accessibilité et de l’écoute de la justice, dont le tribunal n’est pas aux normes pour juger des personnes en situation de handicap” et pourrait constituer “un point de départ pour réfléchir aux moyens de recours pour lutter contre le défaut d’accessibilité des tribunaux”.
“Dans les discours, on nous parle d’inclusion, et dans la réalité, on se retrouve avec de la prison avec sursis”
Pour Anne-Sarah Kertudo, de l’association Droit Pluriel, le verdict est “invraisemblable” : “Nous ne comprenons pas la décision de la justice, qui n’a pas respecté la loi elle-même, car elle a jugé ces prévenus dans des conditions illégales. Ils ne sont pas plus en illégalité que la justice qui les juge. Le droit est de notre côté, car il dit que tout doit nous être accessible. Dans les discours, on nous parle d’inclusion, et dans la réalité, on se retrouve avec de la prison avec sursis”.
Anne-Sarah Kertudo constate que l’on “condamne des personnes qui prennent la parole pour dénoncer des discriminations”, alors qu’il est question selon elle de “désobéissance civile”, précisant que “le retard d’un train ou d’un avion n’est rien au regard de la situation des personnes handicapées” et que cette condamnation s’apparente à “un déni de droit que personne n’accepterait”.
Pour l’une des prévenues, Fatiha, malvoyante, “la justice est garante du respect de la loi, et devrait donner l’exemple, or elle n’a pas reconnu la légitimité de notre action”. Kevin, lui, parle d’un “lourd verdict”, spécifiant que l’allocation adulte handicapée “ne me permet pas de supporter” les condamnations financières : “On a tenté de nous clouer le bec, et ça ne fait que renforcer ma volonté à poursuivre le combat”, tonne-t-il.
Odile Maurin, qui pointe du doigt “le mépris de la justice toulousaine à l’égard des prévenus”, parle d’une “question éminemment politique”. Une opération de financement participatif (crowfunding via hello asso), qui a déjà récolté plus de 13 000 euros, a été lancée pour les aider à payer les amendes et frais de justice (objectif: 16 500 euros). Une pétition diffusée sur change.org rassemble déjà plus de 20 000 signatures, pour demander la relaxe des prévenus, également soutenus par la Ligue des Droits de l’Homme de Toulouse. Face à leur condamnation, Odile Maurin précise que le groupe de militants “souhaite faire appel de la décision”.
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