Depuis l’ouverture du Théâtre du Grand Rond en 2003, Eric Vanelle en a pris la coordination. Avec son équipe, il met ainsi à disposition un lieu permettant aux artistes et au public de se rencontrer : « Ici, nous n’avons pas de résidences, nous proposons la scène aux compagnies et comédiens qui éprouvent le besoin d’un retour sur leur production. » Comme la salle du Grand Rond, il est engagé et s’exprime sans langue de bois, quant aux attentats qui ont frappé Paris.
1/ Stupeur et réactions
Pendant que les événements avaient lieu, je jouais au Théâtre du Pavé, je n’ai appris les attentats qu’en sortant, en me connectant sur le site de l’Équipe. Je n’y ai d’abord pas cru, ne voyant rien sur les autres sites de médias nationaux. Mais quand j’ai reçu les premiers SMS et que j’ai entendu la nouvelle à la radio, j’ai compris. J’ai alors repensé aux attentats de janvier : des gens étaient visés pour une raison, les caricatures, mais vendredi, c’est la gratuité de l’acte qui m’a choqué. C’est, je pense, ce qui a fait basculer le pays dans une guerre ouverte contre le terrorisme. Et tous les moyens sont bons pour lutter contre ce fléau, toutefois il est nécessaire de prendre le problème à la source : la misère, la pauvreté et l’ignorance mènent à de tels extrémismes, il faut donc d’abord résoudre ces problèmes pour pouvoir agir sur les conséquences. La difficulté reste que nous opposons notre envie de vivre contre leur envie de mourir, la partie est donc serrée.
2/ Répercussions à Toulouse
La riposte a été immédiate, notamment à Toulouse. Peut-être la police avait-elle déjà des pistes, voire repéré des planques et l’état d’urgence décrété par François Hollande a déclenché les opérations plus vite que prévu, les conditions de perquisitions étant plus souples ? Ou peut-être s’agit-il d’une opération de communication du gouvernement pour démontrer, aux terroristes comme à la population, sa promptitude à riposter ? Nous ne le saurons que quand tout sera réglé, car je n’ai aucun doute sur le fait que tout sera réglé, les terroristes ne peuvent pas gagner ! Cependant, Toulouse reste, a priori, une plaque tournante en France. Pour moi, cela est notamment dû à son aménagement : elle dispose d’un centre-ville contenu à l’intérieur des boulevards et de centres commerciaux disséminés dans les villes avoisinantes. Entre les deux, rien. C’est là que se développent les sentiments d’exclusion menant à la radicalisation.
3/ La culture pour cible
C’est encore la liberté d’expression qui a été visée en quelque sorte. Après les médias, les terroristes s’attaquent à la culture et la façon de vivre des Français en général. Cette idée de partage les dérange. Toutes les productions artistiques françaises sont alimentées, inspirées par le mélange et les rencontres, cela leur est intolérable. Que l’on se retrouve pour regarder un match ou un concert, c’est le partage qui domine et c’est cela qu’ils visaient : ils ont tué des personnes de 19 nationalités et de 5 religions différentes. Ils ne comprennent pas qu’en France, tous ces gens puissent se réunir pour partager un moment, et que c’est une force. Au Théâtre du Grand Rond, nous avons décidé de rester ouverts, d’abord pour ne pas leur donner satisfaction, ensuite parce que nous pensons qu’il n’y a pas de risque. Si la préfecture estimait que la sécurité n’était pas garantie, nous aurions revu nos positions.
4/ Et les élections régionales dans tout ça ?
La grande question est de savoir à qui ces attentats vont bénéficier dans ces élections. La solidarité et la communion des Français ont laissé peu de place aux fameux « amalgames », personne ne s’en est pris aux musulmans, mais existe-t-il une différence entre ce qui est dit et ce qui est pensé ? Si le Front national profite de ces attentats pour faire le plein de voix, il faudra se poser les bonnes questions : cette unité affichée entre les Français n’était-elle que de façade ? Personnellement, je pense que le FN n’est pas une solution. Le fait de fermer les frontières et de mettre les étrangers dehors ne résoudra rien. Aujourd’hui, quelques jours après les attentats, le discours du FN paraît déplacé, mais le restera-t-il longtemps ? Dans tous les cas, je pense que les enjeux régionaux vont passer au second plan et que la campagne ne pourra décemment pas reprendre de plus belle, comme si rien ne s’était passé.
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