Chantier. Borderouge est en mutation. Situé au Nord de Toulouse entre Les Izards et les Trois Cocus, le quartier souffre d’un déficit d’image qui nuit à son évolution. Une injustice ? Borderouge, en quête d’identité est encore sur la corde raide et oscille entre « nouveau Mirail » et futur quartier bobo…
Par Aurélie Renne et Coralie Bombail
« Quand on tape Borderouge dans Google, on ne tombe que sur des articles relatant des faits-divers », remarque avec désolation Laurent Vergnès, président de l’association de quartier Animabord. Même si ces faits ne concernent pas toujours Borderouge, la proximité des Izards crée l’amalgame : c’est le ‘‘quartier nord’’, réputé sensible. Pour Jean-Pierre Seran, président du Comité de quartier de Borderouge, « il y a eu des périodes de troubles, comme en juin dernier, mais les choses ont été réglées par la police municipale. Il faut relativiser et faire en sorte que le quartier reste serein ». Laurent Vergnès estime que tout cela relève plus de « la rumeur » que de la réalité : « Il y a de la délinquance mais comme partout dans Toulouse ! » plaide-t-il. En créant son association il y a trois ans, cet habitant engagé a voulu insérer du lien social dans un quartier en manque de vie, en manque de cohérence. L’explication ? L’histoire de Borderouge en deux étapes en a fait un quartier coupé en deux : « Sous l’ère Douste-Blazy, Borderouge était purement résidentiel, très calme, et se destinait à devenir une cité dortoir (au sud du quartier). Lorsque la gauche est arrivée à Toulouse, on a vu apparaitre des immeubles de toutes sortes sans grande cohérence, des HLM plutôt haut de gamme pour du logement social (au nord), dans lesquels des gens venus du Mirail et d’Empalot ont été relogés. » Une nouvelle mixité sociale à gérer, dans un quartier en construction où il ne se passait quasiment rien : peu de commerces, peu d’animations. En quelques années, Borderouge a bougé. Le tissu associatif s’est constitué, la salle des musiques actuelles et les jardins du muséum apportent une offre culturelle, tandis que les commerçants ont commencé à s’implanter. « Il faut que les habitants s’approprient l’espace public pour éviter que les malfrats s’y installent, la sécurité c’est l’affaire de tout le monde, pas seulement de la police », affirme Michel Bardeille, délégué de la cohésion police-population dans le quartier.
« La concentration de la population gonfle les chiffres de la délinquance »
La classification en ZSP (Zone de sécurité prioritaire), en 2012, d’une partie du quartier (au Nord, au niveau de la place de la Maourine et de la sortie métro) porte un coup à cette évolution positive et alimente l’image d’insécurité… Mais pour cet ancien policier à la retraite, aujourd’hui médiateur entre les habitants et l’institution policière, il est hors de question de « stigmatiser » Borderouge : « La concentration de la population gonfle les chiffres de la délinquance, mais dire que c’est le nouveau Mirail, c’est aller un peu vite en besogne », estime-t-il. Néanmoins, « il faudra rester vigilant ». Côté agence immobilière la frilosité des Toulousains pour ce quartier n’a échappé à personne : « Les prix ont baissé de 10% à 20%. Quand on parle de Borderouge aux clients ils freinent des quatre fers à cause de ce qu’ils entendent, pourtant sur place ils sont tous unanimes : la vie y est plutôt douce», indique Jean-Jérôme Bondon, directeur de l’agence Le Clos immobilier, indiquant qu’un bien dans le quartier vaut actuellement environ 2 500 du m2. L’argument commercial est en tout cas tout trouvé car qui dit transition dit investisseur : « C’est clairement un quartier où il faut investir aujourd’hui car quand il sera bien équipé, les biens se revendront à prix d’or », entend-on dans une agence immobilière proche du quartier. Il est clair que Borderouge nord n’a pas dit son dernier mot.
Le carré de la Maourine, c’est l’endroit précis où un projet d’envergure doit voir le jour. Centre commercial, bureaux, appartements, parkings, restaurants… Tout est en chantier. Le projet est piloté par Belin immobilier, associée pour partie avec Carrefour. Fin des travaux prévus pour avril 2015. « L’avenir du quartier va vraiment dépendre de ce complexe, il faudra que ça démarre très fort pour créer une dynamique », estime Laurent Vergnès. La foncière Belin-Carrefour a investi près de 70 millions d’euros dans ce complexe de haut standing. Au niveau commercial, la galerie marchande accueillera de grandes enseignes, et sur la place, les locaux sont attribués à des « artisans de qualité, qui ouvrent pour la plupart une deuxième boutique », indique Pierre Parent, responsable commercial de Belin. Côté immobilier, les appartements se destinent en priorité « aux investisseurs qui vont louer leur bien ou aux derniers accédants », poursuit-il. Prix moyen, « 3 600€ le mètre carré ». Construits au-dessus du centre commercial, ils surplombent un jardin suspendu de 5 000 m². L’objectif : créer un nouveau cœur de ville dans ce quartier qui compte près de 18 000 habitants, « une ville au grand air », avec tous les services (La Poste, la mairie annexe, un laboratoire médical, une pharmacie, un cinéma seront également sur le carré de Maourine) et agréable à vivre.
« L’image du quartier, je ne la prends pas en compte ! »
Projet ambitieux qui s’est heurté à la réputation du quartier. Comment attirer une population CSP+ en plein cœur d’une ZSP ? La commercialisation des lots immobiliers a débuté en 2011 et n’a pas été un long fleuve tranquille : « Il a fallu aller chercher les clients, faire beaucoup de relationnel, leur faire visiter le quartier pour qu’ils se rendent compte qu’on y vit bien », explique Pierre Parent. « L’image du quartier, je ne la prends pas en compte ! » lance Marc Belin, PDG du groupe immobilier, « j’ai appris à connaitre cet endroit ; la balade autour du muséum, le parc de la Maourine, c’est magnifique ! Quand je fais visiter Borderouge à quelqu’un je l’amène là, les gens sont toujours surpris », s’exclame-t-il. L’opération séduction est en passe de réussir. Sur les 160 logements réalisés, « 140 sont vendus ». Reste une quarantaine encore en travaux, mais aujourd’hui les ventes sont plus faciles : « Maintenant qu’on peut visiter les premiers appartements, j’ai une capacité à vendre qui n’est pas la même », explique Pierre Laurent, pour qui «Borderouge est en bonne voie pour devenir le quartier bobo, car finalement il n’y a pas plus de mixité sociale ici que place Wilson. »
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