PÉPINIÈRE. Chassez le naturel, il revient au galop. C’est peut-être pour cela que chaque printemps, de plus en plus de citadins sont pris par une envie irrépressible de biner et de sarcler. Au delà de l’enjeu global – d’ici 2050, 70 % de la population mondiale vivra dans des centres urbains – l’engouement pour l’agriculture en ville traduit sûrement un besoin de retour à nos racines paysannes. Mais aussi, tout simplement, de connaître ses voisins. Bref, de recréer des liens. Le JT égrène les moyens d’ensemencer la Ville rose pour qu’elle continue de se verdir.
© DRC’est un printemps qui n’en finit pas. Depuis plus d’une décennie, l’agriculture urbaine ne cesse de croître. Chaque année, des initiatives fleurissent dans les moindres recoins des villes. Mais devant un tel bourgeonnement et des expériences répondant à des motivations très diverses, le mouvement s’avère difficile à analyser. « Il n’y a pas de vrai consensus sur la définition de l’agriculture urbaine et les débats peuvent même être houleux. Le problème remonte à l’après Seconde Guerre mondiale où l’on a créé un univers agricole complètement déconnecté de la réalité. Résultat, aujourd’hui, le fait que des citoyens qui ne sont pas issus de ce monde se saisissent de la question est parfois mal perçu », commente Jean-Noël Consales, urbaniste à Marseille et cocoordinateur du projet Jassur (Jardins associatifs urbains et villes durables), programme financé par l’Agence nationale de la recherche pour mieux étudier le phénomène.
Si aucun indicateur concret ne permet encore d’en mesurer l’ampleur, l’engouement pour les jardins collectifs et les potagers privés est palpable. Un boom que l’on peut dater du milieu des années 1990 en raison des crises sanitaires, notamment celle de la vache folle. On assiste alors à une reconnexion des citoyens avec la question agricole, renforcée depuis par le contexte de crise. « Le ras-le-bol du modèle économique génère une quête générale de sens. Ce retour à la terre traduit à la fois un besoin d’autonomie et de collectif, une envie de reprendre les choses en main », assure Camille Dumat, professeure à l’Institut national polytechnique de Toulouse et fondatrice du Réseau Agriville. « Dans des pays durement touchés par la crise comme la Grèce et l’Espagne, on a assisté à une démultiplication des jardins, le lien est clair », confirme Jean-Noël Consales.
Bien que l’aspect alimentaire des potagers et jardins urbains n’est pas négligeable, les experts ne croient pas à l’ambition d’autosuffisance affichée par certaines collectivités. « C’est illusoire. Le terme est plus à considérer comme un outil que comme un réel objectif. Il s’agit avant tout de faire réfléchir par des actions d’agriculture », tranche Camille Dumat. En plus de ses bénéfices sur la qualité de l’air, la biodiversité et les liens sociaux, l’agriculture urbaine aurait donc surtout un rôle pédagogique. Et pas seulement auprès des personnes des catégories les plus aisées, comme le prouve une enquête menée dans les milieux précaires de Marseille. « Nous avons comparé les tickets de caisse de consommatrices participant ou non à des jardins partagés. Celles qui en côtoient ont développé des habitudes d’achat de fruits et légumes bien supérieures. Le jardin est une fenêtre sur la question alimentaire », affirme Jean-Noël Consales.
Si elle a toute sa place en ville, l’agriculture se heurte tout de même à la problématique de l’espace et à la pression foncière, véritable nerf de la guerre, selon l’urbaniste : « Les villes ont besoin de construire des logements mais ce n’est pas incompatible. Il ne faut pas être binaire, on peut inventer des manières de bâtir tout en préservant les terres les plus cultivables. Mais à l’heure actuelle, le secteur privé a trop d’importance dans ce domaine ».
Sources : FAO (Organisation des nations unies pour l’ailmentation et lagriculture),
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