BEURK. À l’automne, une odeur nauséabonde indispose les passants dans la rue Gambetta ou sur la place Wilson. D’où provient cette fragrance proche du vomi ? L’arbre femelle du Ginkgo Biloba, ou plutôt, ses fruits en décomposition.
©KevinFiguier/JTNuit d’automne à Toulouse. La pluie du dimanche imbibe l’asphalte de la rue Gambetta. Une légère odeur de goudron mouillé flotte dans l’air. Quelques saveurs orientales s’échappent aussi des restaurants tout proches. On marche le nez au vent, heureux d’inspirer l’air frais, quand tout d’un coup, on fronce les narines. Ça pue ! Pourtant, pas de rat mort dans le caniveau. Pas de boudin de canin que son propriétaire incivil n’aurait pas ramassé. Pas de smiley dessiné à l’urine. Pas de flaque où surnagent la bolognaise et la bière. Pourtant, il y a comme une très légère odeur de vomi derrière les grilles du jardin de l’hôtel de Bernuy. Dans la pénombre dominicale, le mystère reste entier.
C’est au jardin des plantes, le surlendemain, que le voile commence à se lever. « C’est bientôt la saison des fruits pour le Gingko Biloba », révèle Laurent, l’un des jardiniers du parc. À l’automne, les arbres femelles de cette espèce vieille de 270 millions d’années, soit 40 millions de plus que les dinosaures, produisent en effet des fruits ressemblant à des mirabelles.
En l’an 2000, Thierry Talou, spécialiste des odeurs à l’Institut national polytechnique de Toulouse, a étudié le Ginkgo Biloba de la place Wilson. « L’odeur de lait caillé est causée par la maturité de la chair du fruit qui génère un acide gras butyrique », explique-t-il. « Comme le Ginkgo n’est pas cultivé en France, le savoir local sur cet arbre est limité. »
Repoussant aux nez des Européens, le fruit est consommé en Asie pour sa graine aux vertus, parait-il, aphrodisiaques. À Toulouse, certains habitants d’origine asiatique perpétuent cette habitude culinaire. « Ils viennent ramasser les fruits au parc Royal et au Grand-Rond où les arbres sont de grande taille », confirme Laurent, le jardinier. « L’odeur n’est pas si gênante », assure-t-il. « J’ai goûté la noix, mais ce n’était pas transcendant. Elle ne devait pas être bien préparée. »
Originaire de Chine, le Ginkgo est arrivé en France en 1788. Exotique, il a conquis de nombreuses villes qui ont peut-être été surprises de le découvrir femelle au bout d’une vingtaine d’années. Récemment, certaines municipalités comme Tours et Pau ont choisi de couper des Ginkgos trop malodorants. À Toulouse, celui du square Charles-de-Gaulle a disparu lors du réaménagement de la place en 2011. Après avoir fait vibrer les narines, l’arbre sacré des bouddhistes se pare pourtant d’un remarquable habit doré. Un bonheur pour les yeux, à apprécier le nez bouché.
La rédaction
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