Apprendre à identifier les frustrations, les verbaliser pour les évacuer. Une technique prônée par l’Association Ressources Pédagogiques pour diminuer l’agressivité des élèves envers le corps enseignant. À l’aide de pièces de théâtre, elle sensibilise enfants, parents et professeurs à la nécessité d’une communication non violente.
© DRDans une salle du centre social de La Salvetat-Saint-Gilles, devant des enfants attentifs, Mimi, Fifi et Fafa, trois clowns à l’allure cocasse, s’amusent joyeusement, quand, soudain, surgit un conflit qui s’envenime rapidement. Pour en venir à bout, Fifi propose d’utiliser sa valise ‘’médiation’’. Remplie d’outils qui leur permettront de résoudre leur désaccord, elle devient la base d’un travail pédagogique pour montrer comment gérer un conflit qui peut conduire à la violence. C’est tout l’intérêt de la pièce de théâtre ‘’Rififi et médiation’’, montée par l’Association Ressources Pédagogiques (ARP). Depuis 1997, cette dernière a pour objectif d’améliorer les relations interpersonnelles et le vivre ensemble.
« Par le théâtre, nous parvenons à capter attention des enfants pour leur faire passer un message, celui de la communication non violente », explique Claudine Aillaud, fondatrice de l’ARP. Pour elle, tout commence par la conscientisation des ressentis : « Pour éviter aux enfants d’arriver jusqu’à la violence, nous leur apprenons à prendre conscience qu’ils sont en colère, à savoir pourquoi ils le sont et à le verbaliser. Par ce simple processus, l’intensité des émotions diminue, elles deviennent plus faciles à gérer. » Les enfants réagissant différemment à chaque âge. L’association, composée entre autres de quatre comédiens, adapte les éléments de langage afin de toucher son public le plus directement possible. Ainsi, si ‘’Rififi et médiation’’ s’adresse aux 6 à 10 ans, ‘’Ma vie, en jeu’’ est dédiée aux 10-12 ans. À 90 kilomètres de là, à Saint-Gaudens, Pierre Moryousef interprète devant des collégiens un aventurier évoluant dans un jeu vidéo. Confronté à de nombreux obstacles, il doit les surmonter à coup de compétences psychosociales et d’outils relationnels. À l’aide de sa manette, le personnage principal vient d’en trouver un, soigneusement caché dans le décor : le ‘’je’’. « Nous expliquons aux enfants qu’il est préférable d’utiliser la première personne du singulier pour exprimer un mécontentement. Il vaut mieux dire ‘’Je suis énervé’’ plutôt que ‘’tu m’énerves’’ », précise le comédien, également formateur en relations humaines. Accuser ne sert à rien. En revanche, identifier la source de la frustration permet de travailler à sa disparition. « Souvent, même si l’on s’en prend aux autres, le problème ne vient pas d’eux », poursuit-il. Le mieux-être, le respect de soi et des autres, la gestion des émotions et la communication non violente sont ainsi au cœur des problématiques menant à la violence. Les membres de l’ARP en sont convaincus, c’est par ce biais qu’une prévention est possible. D’ailleurs, Manon, 7 ans, a bien compris le concept : « Dès que je sens la dispute arriver, je pense tout de suite à la valise. » De même, « un professeur qui s’en prend à un enfant devant toute sa classe doit être capable de reconnaître qu’il s’est emporté et s’en excuser, cela permet d’instaurer un climat plus serein », confirme Katherine Wersinger, directrice d’école durant 22 ans.
Elle a testé les techniques prônées par les interventions scolaires de l’ARP dans l’un de ses établissements et constate que cela fonctionne : « Le fait de prendre connaissance d’un conflit, de verbaliser les émotions que ressentent les protagonistes, d’identifier les besoins de chacun pour qu’il se sente respecté, qu’il s’agisse d’un élève, d’un parent d’élève ou d’un enseignant… cela prend un quart d’heure et bien souvent tout le monde est apaisé par la suite », poursuit Katherine Wersinger. Comme elle le souligne, cette technique de communication s’adapte à, à peu près tout type de conflit, « même ceux du couple », dit-elle en souriant. Encore faut-il savoir en exploiter les ficelles. Pour cela, l’ARP prête ses outils. Un dossier est distribué à l’issue des représentations à l’attention des enseignants et chefs d’établissements, composé d’informations, de conseils et de ressources complémentaires leur permettant de poursuivre le travail en classe. Car « même si le spectacle a un impact direct sur le public, il n’est pas magique et il serait illusoire de penser qu’il réglerait à lui seul toutes les difficultés relationnelles. Par contre, c’est un très bon outil de sensibilisation pour aborder plusieurs aspects du vivre ensemble », jugent les membres de l’association. Cette notion devient même une priorité, parce que beaucoup estiment, comme Katherine Wersinger, « que le climat scolaire a une influence certaine sur l’apprentissage des enfants ».
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