Depuis 2009, l’Institut universitaire Jean-François Champollion à Albi accueille un pôle entièrement dédié aux serious games. Pierre Lagarrigue et Catherine Pons Lelardeux, respectivement directeur et présidente du conseil scientifique du Serious Game Research Network, expliquent en quoi leur discipline pourrait faire souffler un vent nouveau sur le monde de la formation.
C’est l’unique structure du genre en France. L’Institut national universitaire Jean-François Champollion d’Albi abrite un groupement d’intérêt scientifique (GIS) spécialement consacré aux serious games. Créé en 2009, le Serious Game Research Network est le fruit de la rencontre entre Catherine Pons Lelardeux, ingénieure de recherche en informatique, et Pierre Lagarrigue, professeur en génie mécanique. « Je travaillais dans une start-up de jeux ludo-éducatifs et Pierre avait un projet de simulateur de machine à outil. Nous avons décidé d’aller plus loin pour en faire un serious game », raconte la première. Pour élaborer un “jeu vidéo sérieux” de qualité, ils réunissent autour de la table différents profils (chercheurs, experts en informatique, en didactique ou en intelligence artificielle mais aussi industriels) et posent les bases d’un véritable pôle de compétences afin de répondre à tous les besoins d’un serious game, du début à la fin de la chaîne.
Alors que ces derniers s’étendent à de plus en plus de domaines, le but du projet albigeois est de développer des modèles pour former les gens. « En créant des environnements virtuels pour confronter les utilisateurs à des situations complexes, les serious games sont potentiellement efficaces pour tout ce qui peut s’apprendre par l’action », explique Pierre Lagarrigue. Même si, faute de bras, le Serious Game Research Network se concentre sur les domaines de la santé et du génie mécanique, le champ est donc vaste. Car en plus des simulateurs qui se contentent de reproduire la réalité, les serious games mixent savoirs techniques et mécaniques de jeu. « Ils sont fondés sur une notion de chemin pédagogique. L’objectif est de mettre un étudiant, un stagiaire ou un employé devant un outil qui lui donne des indications pour franchir les obstacles », détaille Catherine Pons Lelardeux.
Autre avantage de l’utilisation des serious games, l’indépendance du formé. Même si le but n’est pas de se passer du formateur, mais au contraire de mettre à sa disposition un outil dont il sera en quelque sorte le chef d’orchestre, le jeu permet à ses usagers de s’autotester plus librement, de progresser en se trompant et en recommençant sans être jugé. « Apprendre par soi-même est toujours un très bon moyen de monter en compétences. Surtout, le serious game offre un environnement sécurisé. On peut casser un objet dans le monde virtuel, ce n’est pas très grave. On aura en plus appris de cet échec », assure Pierre Lagarrigue. De plus, alors qu’il peut d’ordinaire être associé aux notions de compétition ou d’isolement, les experts garantissent que lorsqu’il est exploité dans le cadre de la formation, le jeu favorise à l’inverse un esprit de collaboration : « Nous nous sommes aperçus que, quand un étudiant bloque sur un niveau, il va quérir des informations auprès d’autres élèves. Certains sont meilleurs dans l’utilisation du jeu, d’autres s’appuient sur une meilleure connaissance technique. Chacun apporte ses qualités, il y a un nivellement par le haut », souligne Catherine Pons Lelardeux.
Alors qu’il y a dix ans, la discipline était encore assimilée au simple amusement, les deux collègues estiment qu’il y a aujourd’hui une réelle prise de conscience de l’intérêt des serious games. Et pour augmenter le niveau de maturité, un master a été créé à Albi. Il a accueilli 17 étudiants en septembre 2017.
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